C’est en le disant qu’on l’est. Voilà le grand secret. Pas besoin de preuves, de démonstrations éclatantes ou d’applaudissements. Non, il suffit d’ouvrir la bouche et de prononcer ces quelques mots : « Je suis un génie. » Simple, non ? Un coup de baguette magique, une profération , et voilà que le monde doit s’incliner devant l’évidence que vous venez de créer. Car, après tout, pourquoi attendre que les autres vous qualifient, quand vous pouvez vous élever par votre propre déclaration ?
Le génie, voyez-vous, n’est pas tant une affaire de talent, que d’affirmation. Il suffit d’y croire, mais surtout de le dire. Une petite phrase, prononcée avec un brin de conviction, et hop ! Vous voilà dans le cercle restreint des élus. Les autres peuvent bien douter, rire, hausser les sourcils, qu’importe. Vous, vous savez. Et ce savoir suffit. En fait, c’est là tout l’art de la chose : ne jamais attendre la reconnaissance du monde. Le génie autoproclamé n’a besoin de personne, sauf de lui-même.
Mais tout le monde ne veut pas être un génie. C’est un fait, n’est-ce pas ? Il faut bien laisser de la place aux autres. Certains choisiront donc de se proclamer maçon, rémouleur, portier, croupier, voire même député, ministre ou président. Ah, mais je ne vous apprends rien ! Tout le monde le sait, plus ou moins intuitivement, même si personne n’ose le dire à haute voix. Cependant, chacun jouera son rôle avec sérieux, tout en faisant semblant de croire à je ne sais quelle Providence, Destin, Fortune ou Malchance. Comme si leur sort dépendait d’une mystérieuse main invisible ! Que voulez-vous, c’est bien plus rassurant de penser que tout cela est guidé par quelque force suprême, plutôt que de simplement admettre qu’on a soi-même choisi sa place, comme on choisit son costume au bal masqué.
Et pourtant, qu’ai-je à faire de cette reconnaissance des autres, si moi-même, en tout état de cause comme d’effet, je me suis déjà reconnu pour ce que je suis : un génie ? Pas un génie en devenir, pas un génie potentiel, non ! Un génie accompli, tout entier, complet. Ai-je besoin de preuves, de médailles, ou de lauriers ? Point du tout ! L’essentiel n’est-il pas de savoir soi-même ce que l’on est ? Moi, je l’ai su, et je l’ai dit. Voilà le secret : se reconnaître d’abord soi-même. Les autres suivront… ou pas. Mais peu importe, car dans ce grand jeu de la reconnaissance, je suis déjà le maître, le juge, et la légende.
Alors, levez-vous, regardez-vous dans le miroir et dites-le : « Je suis un génie. » Là, c’est fait. Rien de plus à prouver. Et si quelqu’un vous demande : « Mais qu’est-ce qui te fait dire ça ? », répondez simplement : « Parce que je l’ai dit. » Car, au final, c’est celui qui le dit qui l’est. Voilà la beauté de ce grand secret : c’est en vous déclarant que vous devenez.