Il arrive qu’un geste, une décision, un élan semblent lancer une action.
Mais ce n’est pas de là que l’histoire part.
Le personnage agit — ou croit agir — puis quelque chose se dérobe.
C’est ce qu’on appelle un faux moteur : un déclencheur qui n’entraîne rien.
Ou plutôt : un déclencheur qui déplace tout, mais autrement.
Voici cinq microfictions dans cette zone de glissement, de suspension.
1. Le sac
Il avait pris ce sac pour partir quelques jours.
Mais en arrivant à la gare, il n’a pas su quelle direction prendre.
Il s’est assis sur un banc.
Puis il est rentré chez lui, sans rien défaire.
Le sac est resté posé là, prêt, pendant des semaines.
2. La fenêtre
Il s’était levé pour aérer.
Mais il est resté devant, à regarder dehors.
La fenêtre est restée fermée.
C’est l’intérieur qui a changé.
3. La photo
Il voulait trier les images.
Faire de la place, organiser, supprimer.
Il est tombé sur celle-là — une banale, presque floue.
Il ne l’a pas supprimée.
Il n’en a supprimé aucune.
4. L’agenda
Il avait noté l’heure, le lieu, les détails.
Tout était prêt pour s’y rendre.
Mais à l’heure dite, il est resté à sa table.
Il a juste barré le rendez-vous, sans explication.
5. Le pantalon
Il l’a mis exprès. Celui qu’il ne sort que pour les grandes occasions.
Il a bu un café, rangé deux papiers, ouvert la porte.
Puis il l’a refermée, lentement.
Il s’est changé.
Il n’est pas sorti.
Texte issu d’un travail sur les “faux moteurs” narratifs, dans une approche inspirée par John Truby,
détournée à la manière de Malt Olbren : l’action comme illusion, la mise en mouvement comme simple variation d’attente.