"Écrire ce que l’on ne peut pas dire. Nommer la chose, même si elle fait peur. Surtout si elle fait peur."— Méthode Olbren, notes internes
Je ne sais pas si j’ai envie qu’on me lise pour qu’on s’adresse à moi. Mais ce que je sais, c’est que ça me fait profondément plaisir qu’on me lise. C’est à dire que probablement ça me tue. Parfois j’imagine une horde d’animaux sauvages qui en dépèce un autre, cet autre c’est moi. Il n’y a pas de jugement, c’est tout à fait naturel. Je sais que ça me tue le plus naturellement du monde ce plaisir d’imaginer qu’on me lise. Je ne sais pas si j’ai envie d’aller marcher tous les jours pour perdre du poids, me sentir en forme, revenir sur le marché. Mais je sais que si je ne le fais pas, je peux crever du jour au lendemain. Je ne sais pas si j’ai envie de crever. Parfois je dis que j’ai envie de crever, mais ce n’est pas tout à fait exact. Je ne sais pas si je regretterai cette vie, en supposant qu’un mort puisse regretter quoi que ce soit. Mais je sais que dans le fond, je ne voudrai rien regretter, rien de spécial. La fin serait plutôt ainsi : j’effacerais les regrets, l’un après l’autre. En tout cas, ce serait trop bête de ne pas le faire. Je ne voudrais pas perdre encore toute une éternité à penser aux regrets.
Je ne sais pas si j’ai envie d’être lu. D’un côté, peut-être oui, mais de l’autre, je ne sais pas vraiment. Mais je sais que ça me fait très peur qu’on me lise. Je choisis la peur plutôt que le plaisir. Je ne dis pas ça par vantardise. J’ai eu beaucoup de plaisir, et je suis mort des tas de fois.
Je ne sais pas si j’ai peur du plaisir parce que le plaisir, c’est la mort. Je dirais plutôt que le plaisir m’anesthésie, comme on le fait pour les animaux qu’on veut saigner proprement avant de les tuer à l’abattoir. Ensuite, en toute bonne conscience, on peut passer à l’équarrissage.
Ce que je comprends, c’est que j’ai une sorte de don — ou de malédiction — pour détourner systématiquement la réalité, me fabriquer inconsciemment des métaphores. Ma vie est une suite de maladresses : gestes, paroles, mal adressés. Je pensais m’adresser à quelqu’un, mais ce n’était sans doute qu’à des parts de moi-même.
D’une certaine façon, je suis autiste. Je ne suis pas "normal" dans le sens où je crois qu’être normal ne veut rien dire pour moi, sauf être encore plus taré que je ne le suis.
Je ne sais pas si j’ai autant honte de qui je suis. Ce n’est pas un poids qui m’entrave, ce n’en est plus vraiment un. Je crois que le sentiment de honte se cultive, se soigne, s’entretient. Ça permet de conserver une sorte de rectitude dans le tordu. Aujourd’hui je peux dire que je sais qu’il faut toujours creuser la honte. Si je n’avais pas ce sentiment de honte permanent, je n’aurais pas de trou à creuser. Je serais désoeuvré.
Il faut aussi, pendant que j’y suis, me débarrasser de l’idée du sexe. Lorsque j’y repense, c’est ça : se débarrasser d’une corvée. Tout ce qu’il y avait avant était une sorte de conte de fées, un emballement, mais une fois au pied du mur, je sentais qu’on me demandait d’endosser un rôle. Peut-être que moi aussi, je demandais la même chose à mes partenaires. On faisait notre petite affaire. C’est sûrement pour ça qu’on dit partenaires.
je ne sais pas si vraiment il est possible d’ échapper aux méfaits de la 5G et des particules de graphene qu’ont nous a flanqués sous la peau en 2020 ; celles qui captent le wifi pour balancer nos données biométriques dans la stratosphère — sauf si on éprouve de l’amour pur.
Ce qui règle considérablement le problème du sexe en passant. On se mettrait en mode tout le monde il est beau tout le monde il est gentil et on serait soudain immunisé.
Je ne sais pas si j’ai encore la force de croire en ce genre de connerie. Je sais que je crois en la bienveillance parce que c’est ce qui empèche la sauvagerie, mais je n’ai pas envie d’insulter l’intelligence des gens pour autant.
Je sais que j’ai peut-être crevé un plafond de verre en écrivant ce texte, je ne m’en sens ni fier ni honteux, je me dis qu’il y a des années de boulot derrière.
Je me dis aussi que, probablement, une fois que j’aurais écrit tout cela, les gens auront enfin leur bonne raison pour ne plus m’approcher.
Mais peut-être que c’est exactement ce que je cherche.