Toute la nuit s’est déroulée sous le signe du lit.
Je me suis surpris à passer en revue tous les lits où j’ai dormi. Il y en a un nombre incroyable, un désordre de lits de toutes sortes. Des grands lits doubles, en bois massif, ceux de mon enfance (presque certain qu’ils étaient en chêne), aux lits plus simples : des paillasses, des lits de camp, des matelas de fortune ou de malchance, mais qui, aujourd’hui, ne nécessitent plus de description trop précise. Le seul point commun que je peux établir dans cette diversité hétéroclite est cette sensation d’être allongé. Et même cette nuit, allongé dans un nouveau lit, je me rendais compte que cette sensation n’avait pas changé, qu’elle était toujours là, intacte, peu importe comment mon corps avait évolué au fil des années, de ses levers et couchers répétés.
C’est cette impression de sécurité temporaire qui me frappe. Une sécurité fabriquée de toutes pièces, bien sûr, par l’acte volontaire de s’étendre, de se glisser sous des draps, un édredon, une couette ou même une simple couverture de laine. Peu importe les détails. C’est une invention de l’enfance, cette illusion d’une protection qui m’a suivi, silencieuse, de lit en lit, tout au long de ma vie. Peu importe l’endroit, peu importe le pays, peu importe si j’étais joyeux ou accablé, si mon esprit était encombré de pensées ou si mon cœur était alourdi par la tristesse. Que ce soit dans un château, un appartement luxueux, un pavillon de banlieue, une cabane de pêcheur ou un coin isolé dans les bois, même tout au nord du Portugal sans le moindre confort, cette sécurité n’a jamais failli. Et bien que je sache qu’elle n’est qu’une illusion, la trace laissée par cette relation de confiance entre mon corps et le lit reste intacte, indélogeable par la raison ou le discernement. Elle continue de vivre, persistante.
Je me demande parfois si la chaleur humaine, celle que je ressentais quand je ne dormais pas seul, n’est pas, elle aussi, une sorte de construction salvatrice. Un refuge que l’on recrée, tout comme lorsqu’on est seul à réchauffer des draps froids avec la chaleur de son propre corps. Un lit, unique en soi, qui navigue à travers les vicissitudes de la vie.