Dans mon rêve, la sonnette a retenti : on venait m’arrêter. Pourquoi, au juste ? Aucune raison valable. Quelques jours plus tôt, en plein jour, elle avait déjà sonné ; j’avais traversé la maison, ouvert : personne à gauche ni à droite. J’ai lu qu’on peut être arrêté arbitrairement, sans raison : on vient, on vous prend, on vous enferme. Je ne sais pas si j’en ai peur ou si, au fond, je l’espère. Se retrouver face à face avec un arbitraire authentique, c’est autre chose. Si tu veux, je te raconte. J’ai commencé à en parler par petites touches. Au café, derrière les vitres, le monde était flou. P. m’a demandé : « Alors, comment tu vas ? » J’ai dit qu’en ce moment je n’allais pas très bien. Comme introduction, c’était commode, ça expliquait le reste. Quand je lui ai raconté l’histoire de la sonnette et de l’arbitraire, il n’a même pas cillé. « C’est drôle que tu me racontes ça, a-t-il dit, c’est justement la même histoire que je m’apprêtais à te raconter. »