janvier 2024

Carnets | janvier 2024

07 janvier-2-2024

Elle allait lui raconter son rêve et par pur réflexe il leva la main pour l’interrompre. Car le contenu d’un rêve se dissout dans la parole, il se métamorphose en quelque chose de raisonnable la plupart du temps. Non ce qui l’intéressait c’était la sensation générale qu’elle en avait conservé. Mais elle ne comprit pas sa question, elle voulait raconter tout son rêve par le menu et aussitôt il ne l’écouta plus. Mon rêve est d’aller dans un pays chaud, de trouver une plage de sable fin, de m’y allonger en écoutant le bruit du ressac, de ne plus penser à rien. Elle disait rêve et lui presque aussitôt vécu un cauchemar. Elle veut avoir des enfants c’est son rêve. Puis quand ils sont là elle parle d’un véritable cauchemar. Dans mon rêve, ce rêve là, je veux toujours atteindre cette sensation d’exister tellement intense qu’il m’a été donné une fois de rencontrer. Et il pensa qu’elle avait laissé s’échapper les buts et les raisons de maints autres rêves certainement tout autant honorables, parce qu’elle n’était obnubilée que par celui-là. Il prit un certain temps pour réfléchir à cela et au bout du compte cela l’effraya tellement qu’il ne répondit plus à ses appels, ni à ses sms. Elle ne correspondait certainement pas à son propre rêve. La vie ne serait probablement qu’un rêve si elle n’était pas déjà un cauchemar. Il tournait en boucle sur cette phrase comme si c’était une équation à deux inconnues. Et comme il était nul en maths, il se leva pour aller travailler. Certains caressent un rêve comme ils caresseraient un chien, pour ne pas être mordu. La réalité est à l’exact opposé de mes rêves et vice versa. Une fois cette chose dite, plus rien n’était à dire et ils se quittèrent bons amis — Je ne fais pas de rêve étrange et pénétrant, ça s’arrête toujours avant. La thérapeute renversa la tête en arrière et dit —hum hum mais encore. Son regard était d’une tristesse insondable. C’est alors que je saisis toute l’incongruité de ma présence en ces lieux, la honte s’empara de moi, je n’étais qu’un patient ordinaire, un patient parmi tant d’autres.|couper{180}

rêves

Carnets | janvier 2024

07 janvier 2024

Il ne fait aucun doute et ce à bien des égards et malgré toute l’affection que je puisse encore vous témoigner, lorsqu’il me reste encore quelque éclat de lucidité, que je ne sortirai certainement pas indemne de cette aventure. La folie, tôt ou tard, viendra m’emporter et nul ne pourra l’en empêcher. Mais, avant que l’inéluctable n’advienne , il faut que je m’efforce de réunir toutes les pièces de cet effroyable puzzle dont je ne fait que découvrir, ces derniers jours , l’image générale, l’épouvantable dessein. « Le temps efface peu à peu les traces de mon passage », c’est ce que nous croyons tous. Mais, à la vérité rien de ce que nous avons un jour dit pensé ou fait ne disparait totalement. Les murs des villes, les avenues, les rues les ruelles les impasses , les escaliers des immeubles, les pièces dans lesquelles nous avons vécu notre existence dérisoire, toutes et tous conservent à jamais la mémoire de notre pauvre humanité qui les aura traversés . Des forces inimaginables et maléfiques s’incarnent à date fixe pour venir lire nos turpitudes, elles sont des prédatrices infernales, elles ne pourraient vivre sans venir se repaitre , à date régulière, de nos défaites ; de notre immense tristesse et dont elles tirent leur subsistance depuis des millénaires dans le plus parfait anonymat. Le seul fait d’écrire ces premières lignes dans mon journal m’épouvante déjà et me force à réunir le peu de courage et de raison qu’il me reste encore, sans oublier qu’ à la seule pensée de raconter mon histoire l’ombre s’étend déjà sur mes propos, je ne les reconnais déjà plus, une confusion désespérante s’installe entre chaque mot, et même pire, entre chaque lettre. D’ailleurs, en ce moment même perdure l’impression pénible d’écrire sous la dictée d’une de ces entités terrifiantes, dans un langage inconnu, des choses totalement absurdes. Pour me donner un peu de cœur au ventre il m’arrive souvent de repenser à ces moments si agréables et insouciants appartenant à cette enfance passée dans le bocage bourbonnais. Cependant, si agréables et insouciants m’apparaissent-ils toujours d’emblée, je sais à présent qu’ils ne sont, pour la plupart, qu’une fiction destinée à occulter la plus grande part de ma misérable existence à cette période de ma vie. La principale difficulté que je rencontre désormais pour me les évoquer c’est que je suis incapable de savoir quand cette fiction est de mon ressort, si c’est moi qui l’ai crée, ou si on me l’a implantée dans la cervelle comme on implante dans un système d’exploitation un programme informatique, une tâche de fond. Maintes fois la nuit je fus réveillé par mon instinct et ouvrant en grand les yeux dans le noir je parvenais à y distinguer des êtres encore plus noirs que la nuit. Cette noirceur effroyable m’asséchait la bouche et il m’était à cet instant impossible de crier d’appeler à l’aide. Tétanisé par l’horreur je ne pouvais rien faire d’autre que d’observer l’indicible. Au matin, quand les rayons du soleil perçaient de nouveau à travers les volets de bois de la chambre, il m’arrivait encore un bref moment de douter de la réalité de ces horreurs nocturnes. Je m’efforçais alors de les ranger dans la catégorie des cauchemars, aidé en cela par ma mère qui , souvent, me poussait à les lui raconter. Ce dont il m’était impossible tant l’empreinte qu’ils avaient laissée était confuse, et dont j’éprouvais jusque dans la moelle de mes os le danger de les dire. Alors, j’en inventais d’autres à la hâte, des cauchemars plus classiques, et les ayant dit elle me rappelait de façon régulière et avec mansuétude- car dans ceux là j’étais un petit assassin- qu’un mauvais rêve dit à voix haute ne se réalise jamais. Je sais à présent que ces souvenirs sont tout aussi truqués que l’instant présent dans lequel je me contorsionne pour garder le peu de raison qui vaille. Je sais que ma mère est un personnage de fiction tout comme mon père, mes amis, le décor dans son ensemble m’accompagnant à chaque moment de ma misérable existence ; que de toute évidence moi-même ne suis même plus certain d’exister vraiment en tant qu’individu disposant d’une liberté d’expression quelconque. Je ne suis peut-être rien de plus qu’un programme informatique parmi tant d’autres. Voire même un virus destiné à parfaire les objectifs occultes de ces entités terrifiantes qui se jouent de nos drames de nos tragédies, qui les exploitent dans le seul but de les divertir de leur effroyable ennui. Lorsqu’ils se mirent à parler. Ils se virent comme un reflet dans un reflet. Et cette fébrilité soudaine, agitant tous leurs atomes, ils la considérèrent comme du sentiment alors que ce n’était seulement que de l’excitation. Ils auraient pu en être parfaitement inconscients si l’un d’eux n’avait eu un doute. C’est à partir de ce doute, auquel il s’accrocha fermement, qu’il ne la prit pas dans les bras, ne l’embrassa pas, ne lui murmura pas à l’oreille toute la série habituelle des histoires sans queue ni tête qui ne tiennent jamais debout. A la fin, lorsqu’ils se quittèrent, la nuit était tombée, un petit vent glacé semblait extrêmement présent au contact de sa joue. Il lui fit un petit signe de la main auquel elle ne répondit pas et il vit sa silhouette disparaitre dans la pénombre puis tourner à l’angle de la rue. Image mise en avant : Illustration de l’Appel du Ctulhu de Lovecraft par François Baranger|couper{180}

Lovecraft

Carnets | janvier 2024

06 janvier 2024

K. évoque une sensation de fendre l’eau lors de l’écriture du Procès ce qui est troublant car me donne aussitôt cette vision de quelqu’un à la barre de quelqu’un d’actif —un capitaine de navire doté de raison du pouvoir de décision (par exemple) alors que d’expérience personnelle cette impression d’être inspiré avalé par un vortex de ne rien pouvoir décider vraiment semble bien être tout le contraire à première vue avons nous une marge de manœuvre dans l’emportement dans l’inspiration pour prendre le recul minimum en même temps qu’on est emporté un travail d’une vie pour obtenir ce tout petit écart dans l’inspiration peut-être même un but possible ou une raison Ainsi la raison se trouve dans l’inspiration au terme d’un grand nombre d’essais , de tentatives infructueuses, de ratées peut-être tout simplement l’envie de revivre un vieux souvenir où l’on fendait l’eau sans se poser aucune question. ou la mer Rouge s’ouvrait pour laisser passer les fuyards vers une terre Promise ou encore quand la poche des eaux se déchire qu’il est temps de se retourner dans le bon sens pour traverser les boyaux étroits menant à la brûlure pulmonaire de la vie ou encore quand l’oisillon de son bec pointu ( un genre de stylet ) troue la paroi calcaire de sa prison , passe du jaune orangé au bleu nuit ou quand on lâche la corde du cerf volant et qu’à la fois ravi et dépité on le voit s’élèver dans les airs ou quand on abandonne quelque chose de précieux et qu’on l’ offre soudain à un ami sans le moindre regret ou quand on joue du jazz ou quand à force de tourner en rond on décolle depuis le centre du rêve et qu’on se voit au même moment cerf-volant et en bas les champs dans le plus petit détail de couleur de valeur et qu’aucune séparation n’existe dans cette vision Image mise en avant : vue aérienne du bocage bourbonnais|couper{180}

Carnets | janvier 2024

05 janvier 2024

Considérer la chance d’avoir une vieille voiture dont le moteur grippé ne démarre pas au quart de tour Il faut attendre que ça chauffe à chaque essai l’angoisse et le désir que ça y soit / espoir et déception mouvement binaire/ attraction et répulsion mais espoir et déception de quoi au fait et si ça n’y est pas on recommence ou on laisse en plan on prend le bus le train ou les jambes à son cou et bien beaucoup de temps passé à lire les élucubrations d’un certain Charles Lamb(1) sur le site merveilleux du Gutenberg project sans doute à la suite d’une lecture en anglais de Lovecraft/avec la possibilité de traduire la page en français ( pas toujours bien français mais ça aide/ça inspire même ) — vu dans les notes cette histoire de sorcières ( pas noté la référence zut ) et ensuite de me demander quelle était la mentalité de l’époque pour écrire des choses aussi bizarres notamment dans la structure des phrases qui—on l’imagine —tente de coller à une certaine idée de la rhétorique c’est à dire avec toute l’attention portée à une notion antique d’équilibre ( mais quelle notion de l’équilibre avait-on alors si l’on n’y collait pas ? ) noté quelques mots savants comme isocolie/protase/ antapodose/ apodause/ clausule. Nous n’avons plus le temps ni l’attention pour lire de si longues phrases à la tournure compliquée me disais-je au moment où je tombai soudain sur une phrase rigolote de Flaubert : « Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes, persécutées s’évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. » (Gustave Flaubert, Madame Bovary) La traduction effectuée par Chateaubriand de Paradis perdu de Milton m’a fait bâiller Malgré toute l’attention que je porte au persil frisé celui-ci vers 19h est retombé en quenouille ce qui en dit long sur l’attention sur l’espoir et la déception qu’elle procure la petite tristesse ( réconfortante ?) que l’on finit par en extraire au bout du compte. on peut comprendre Kafka d’avoir voulu détruire son journal et du coup le lire c’est un peu comme autrefois aller regarder sous …( je laisse en blanc ) ici l’imagination joue un grand rôle la nécessité de tenir un journal n’est pas à prendre à la légère mais rien à voir avec l’obtention d’un résultat final c’est probablement du domaine de l’hygiène pour ne pas devenir complètement cinglé asocial meurtrier / un genre de guide comme les rails en restant parallèles guident le train/ peu importe la destination Il faudrait pour respecter l’usage ( celui de la période ) que la première partie de la phrase soit montante ou donne cette impression de vouloir atteindre on ne sait quel but ou quel sommet pour arriver au final (en se contorsionnant à grand renfort de virgules ) à une chute spectaculaire ( si possible ) Elles vont mettre la vieille dame en maison elle ne fait que tomber /ne peut plus se relever / elles en parlent sérieusement avec des arguments des raisons / et je m’imaginais qu’elles adoptent ce mode d’échange au téléphone pour ne pas succomber à l’épouvante que cette idée leur procure Elles auraient pu tout à fait hurler se rouler par terre en évoquant cette épouvantable projet. Ce que l’on conserve de ceux qui disparaissent trois fois rien parfois c’est ce que l’on pense mais si l’on n’y pense pas trois fois rien devient vraiment quelque chose on pourrait en écrire des pages et des pages puis ceci fait on aurait encore tant à dire pour combler le silence La forme du journal est trompeuse car on se fie à une chronologie des dates voire des heures et ce autant pour le lecteur que pour celui qui l’écrit ( et parfois se trompe dans les dates ) mais on peut au bout d’un certain temps voir que les sujets sont toujours les mêmes ils ne cessent de revenir exactement les mêmes toujours sous des formes diverses en apparence et si l’on arrive à établir la liste de ces sujets récurrents que l’on puisse pour chacun regrouper tous les textes qui lui sont liés… ( je laisse aussi en blanc ) l’idée de la collecte m’indispose comme celle d’ordonner quoi que ce soit autrement dit les bras m’en tombent un poil se dresse et frétille au centre de ma paume mais quand même cette manière d’écrire au 19 ème une façon sentimentale pour ne pas dire enfantine et qui sent l’entourloupe c’est vouloir attraper les mouches avec du miel une séduction rhétorique qui tente de séduire qui quand on écrit ainsi ? Narcisse plonge tête la première dans le ruisseau belle image quand on est jeune moins chouette quand on est vieux ridé beaucoup moins chouette/ risible ?/ pathétique ? l’empathie par période ne sert pas à grand chose et même il arrive qu’on la perde qu’on ne la retrouve plus qu’on n’y pense même plus on se perd dans les méandres de la phrases les virgules sont des miettes mangées par les oiseaux alors à quoi peut-on bien penser dans ce cas ? Image mise en avant ; une lithographie de Daumier dans le Charivari (1)un peu plus tard dans la journée, lu dans le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates cette lettre De Dawsey Adams,Guernesey, îles Anglo-Normandes,à Juliet 12 janvier 1946 Miss Juliet Ashton 81 Oakley Street Chelsea Londres SW3 Chère Miss Ashton, Je m’appelle Dawsey Adams et j’habite une ferme de la paroisse de St. Martin, sur l’île de Guernesey. Je connais votre existence parce que je possède un vieux livre vous ayant jadis appartenu, Les Essais d’Elia, morceaux choisis, d’un auteur dont le véritable nom était Charles Lamb. Votre nom et votre adresse étaient inscrits au verso de la couverture. Je n’irai pas par quatre chemins : j’adore Charles Lamb. Aussi, en lisant morceaux choisis ,je me suis demandé s’il existait une œuvre plus vaste dont auraient été tirés ces extraits. Je veux lire ces autres textes. Seulement, bien que les Allemands aient quitté l’île depuis longtemps, il ne reste plus aucune librairie à Guernesey. J’aimerais solliciter votre gentillesse. Pourriez-vous m’envoyer le nom et l’adresse d’une librairie à Londres ? Je voudrais commander d’autres ouvrages de Charles Lamb par la poste. Je voudrais aussi savoir si quelqu’un a déjà écrit l’histoire de sa vie, et, si oui, essayer de m’en procurer un exemplaire. Pour brillant et spirituel qu’il était, Mr Lamb a du traverser des moments de profonde tristesse au cours de son existence. Charles Lamb m’a fait rire pendant l’Occupation, surtout son passage sur le cochon rôti. Le Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey est né à cause d’un cochon rôti que nous avons dû cacher aux soldats allemands – raison pour laquelle je me sens une affinité particulière avec Mr. Lamb. Je suis désolé de vous importuner, mais je le serai encore plus si je n’arrive pas à en apprendre davantage sur cet homme dont les écrits ont fait de moi son ami. En espérant ne pas vous causer d’embarras, Dawsey Adams P.S. : Mon amie Mrs. Maugery a, elle aussi, acheté un pamphlet qui vous a jadis appartenu. Il s’intitule Le buisson ardent est-il une invention ? La Défense de Moïse et des dix commandements. Elle aime votre annotation dans la marge, « Parole divine ou contrôle des masses ? ?? » Avez-vous tranché ? Traduit de l’américain par Aline Azoulay|couper{180}

Lovecraft

Carnets | janvier 2024

04 janvier 2024

l’image apparait dans une mauvaise résolution et de plus elle est floue et en plus elle est en noir et blanc et sur le côté droit on peut voir une tache brune qui ressemble à une tache de café et donc on peut dire qu’elle ne lui tape pas dans l’œil métaphoriquement 2024 n’est pas de meilleure résolution que 2023 Il tient l’objet de ses vicissitudes dans la main moitié noir moitié blanc un œuf d’une poule naine concomitamment sa vue baisse autant que le nombre de ses résolutions Il résout l’énigme du sphinx en trois cuillérées de pate d’arachide il en vient à bout tardivement le jour où le médecin lui prescrit une canne Il tient un œuf de cane dans la main moitié noir moitié blanc etc. c’est un gars qui manque de résolution il n’a pas inventé l’eau chaude ni le fil à couper le beurre cependant si on regarde sa cervelle en coupe à la loupe on peut voir qu’ici le paysage est sans cesse traversé par de grands vents violents Il dit qu’on ne peut pas être à la fois à la foire et au moulin Nous résolûmes de baisser le volume la fête s’achevait il se faisait tard et soudain les voisins nous en fûmes gré demain nous nous résoudrons à déménager Parmi toutes les résolutions qui naissent spontanément dans son esprit la résolution de ne conserver aucune résolution l’éblouit tant qu’elle l’aveugle il se promène désormais avec une cane en laisse et un œuf dans la main en clamant à qui veut l’entendre qu’on ne fait pas d’omelette si on taille des mouillettes Manquant de résolution il confond l’hippopotame avec un autobus il ne passe pas par la case départ il ne gagne pas vingt mille francs l’inspecteur d’objets trouvés résolut l’affaire en un clin d’œil Image mise en avant : le fameux clin d’oeil de Gale Henry, actrice célèbre et américaine du cinéma muet Tous les jours un œuf d’encre parfois deux parfois trois treize à la douzaine et son altesse sérénissime se pavane ensuite dans les grandes salles froides de son palais ridé en tenant sa langue avec deux doigts comme on doit tenir un bébé saurien. Blablabla. Une pente douce moelleuse onctueuse la mauvaise pente mon petit Pinocchio chuchote une grosse dame en sortant de la boulangerie puis prenant confiance en son dit le dit à son marmot boulot tu es sur la mauvaise pente il faut manger pour vivre et pas le contraire nom de dieu L’œuf comique tressaute trois fois (ce qui au total fait neuf) et le monde est neuf Les trépassés repassent avec des fers à vapeur la frontière de la vie ça ne fait pas un pli. Les trépassés ont les yeux au beurre noir ils traversent les rails et pénètrent par les narines dans la cervelle des moutons ils donnent un tour de clef deux trois une barre de mars et ça repart le nouvel an dit hi han l’âne culotte Des lyres et des muses ça l’amuse Le dibbouk s’étire il ouvre un œil puis le referme aussitôt ce n’est pas le bon et il se lève d’un mauvais pied. L’aspect diesel de l’écriture ce matin mérite toute votre attention attention l’injection de carburant dans la chambre de combustion nécessite de pencher le buste légèrement vers l’avant mais aussi de temps en temps vers l’arrière afin de produire le fameux phénomène d’auto-inflammation Une fois chaud autour de 700-900° quand la compression de l’air dans le cylindre atteint un taux de compression de 14:1 à 25:1 on ne répondra plus de rien Des bougies de préchauffage peuvent aider à la Manœuvre afin de créer un point chaud c’est probablement de ce point chaud que sort la grosse dame avec son boulot marmot La conscience doit parfois enfiler une chaussure beaucoup trop petite pour son pied un empereur chinois est probablement derrière tout cela voilà comment on fait de sympathiques geishas dit-il à ses ministres c’est de l’humour dit l’empereur mais gare si tu ris à ce train là qu’il vaut mieux ne pas emprunter si tu n’es pas sûr de le rendre aussitôt au beau milieu du quai La mémoire est accessible à partir de n’importe quel repli disent les trépassés repassant avec station vapeur sous le bras le marmot boulot est déchainé il mord le mollet de la grosse dame puis celui du boucher et ça ne lui suffit pas il mord celui du mort qui passe et le mort tressaute de plus belle trépasse encore Hermès trismégiste se trisse en douce son méfait accompli ou Eshu le moins aimé des Orisha en pays Yoruba Le dibbouk se rendort l’hôte s’éveille mal de crâne. image mise en avant : représentation de l’Orisha Eshu dans le système de pensée Yoruba 7h52 En recopiant le carnet de 2022-2023 effaré de voir le nombre de pages, de mots – sans doute suis-je malade atteint d’une maladie grave, la graphomanie, ou la graphorrée un roman existe de Jean-Marie Laclavetine « La première ligne » Il ne faut pas écrire la première ligne sinon on est fichu. Cette Première Ligne est la ligne d’écriture qu’il ne faut pas écrire pour ne pas tomber, selon Cyril Cordouan, dans la toxicomanie. Et puis la fin du mot œuvre – tel que l’on continue encore à entretenir ce fantôme- doit se situer entre Lautréamont et Artaud ( quelque part par là )|couper{180}

Carnets | janvier 2024

03 janvier 2024

Il peut y avoir plusieurs raisons d’haïr le monde — au moins autant que de l’aimer Ce sont les mots haïr / aimer sur lesquels il peut se pencher — pas sur le monde. Le monde est d’une implacable neutralité — il dira : le monde s’en fiche que tu soies homme ou insecte plante ou concrétion minéral. Le monde déteste probablement tout autant ses enfants qu’il les aime. Le monde crée sans cesse la possibilité de s'engoufrer/ se réfugier/ dans une double-contrainte ( double-bind). ou blind aveuglement avance autant qu’il recule- Blind un chouette nom pour mon personnage de ce jour se dit le vieil hibou Il enfonce un doigt dans la neutralité du monde elle est molle le doigt s’enfonce comme dans du beurre. Il se dit qu’il pourrait écarter facilement les parois s’introduire ainsi et avec un peu de chance traverser même toute la neutralité du monde. C’est d’abord mou puis ça devient dur voilà donc le piège on croit pouvoir s’enfoncer ainsi traverser la neutralité du monde mais à un moment on tombe sur un os le monde nous déboute nous refuse nous expulse. Obligé de rebrousser chemin il attrape un crampe à la cheville / il boitille comme un moineau une pie un corbeau — le grotesque s’ajoutant ainsi à la tristesse / déconfiture j’aime le monde et lui ne m’aime pas — il dit je déteste le monde / il s’en fout complètement — cette binarité un jour lui mettra t’il la puce à l’oreille Ses deux oreilles se sont mises à couler — au début il croit que c’est de la faute d’une négligence/ qu’il ne s’est pas suffisamment fourré le quotidien coton tige dans les esgourdes— il se rend à la pharmacie de l’angle de la rue — on lui donne des gouttes / cinq gouttes matin / cinq le soir la vérité est ailleurs — il s’agit d’un insecte qui loge dans son crâne — qui effectue des va et vient nocturnes genre de mille-pattes — qui aura pondu dans sa cervelle des myriades de myriapodes qui transitent désormais par son conduit auditif et sa trompe d’Eustache— pour coloniser son cou / sa gorge / sa poitrine son thorax / jusqu’à son nombril — voire pis il se souvient et son oreille coule —lorsqu’il se souvient des murs des chambres dans lesquelles il vécut —des armées de cafards — le bruit surtout de leurs pattes courant sur le papier peint la tapisserie et quand il allume la lumière ils disparaissent à croire que ces cafards ne vivent que dans son imagination. écrire sans ponctuation résout le problème épineux de la ponctuation mais crée soudain trois écueils que sont le rythme la sonorité la période le naufrage guette toujours l’aventurier déboussolé les points cardinaux se font sentir et il faut avoir du nez ou du cul pour s’en tirer s’orienter en humidifiant un doigt puis le jeter dans le vent s’orienter en développant un sens de l’hygrométrie par contact de la pulpe avec l’haleine des gouffres On ne sait pas grand chose de lui et c’est ce qu’il veut effacer au bout du compte les traces que les insectes tentèrent de lui transmettre pour attirer ainsi dans son crâne d’autres colonies faire de son pauvre crâne un monde grouillant d’insectes trottinant sans relâche du thalamus à l’hypothalamus en passant par l’amygdale et l’hippocampe Ducasse des temps modernes — comme nous le sommes à peu près tous désormais —sauf ceux qui se disent / qui clament à tue tête / être poètes A moins qu’il se trompe sur toute la ligne et sitôt que cette pensée surgit choit de son oreille une bestiole d’un genre inédit croisement de sa débile nature et celle des abysses océaniques une holothurie léopard le toise d’un regard débonnaire.|couper{180}

Carnets | janvier 2024

02 janvier 2024

Passé la nuit de la saint Sylvestre 2023-2024 en lisant du Lautréamont, au bord d’une source au milieu de la forêt, sous les draps, mais aujourd’hui on dit une couette. Lire les chants de Maldoror, pleurer, pouffer, compter les animaux. Au bord d’une source en forêt. Allongé de tout son long. A terre. Lire ces phrases pleines de virgules écrites parait-il accompagné au piano. Compter les moutons et les crapauds, les caméléons. Se sentir proche jusqu’à l’identique du dieu comme du crétin. Equidistance produite par une telle proximité. Et retrouver François Coppée, Hugo, Lévi Alphonse Louis dit Eliphas, Huyssmans, Nerval, tant d’autres encore soudain là réunis dans ces phrases pleines de virgules, de plagiat d’encyclopédies, sous la couette, allongé de tout ton long, on croirait entendre du piano. Et au matin, meilleurs vœux, cette vidéo de F.B sur Marin Fouqué. Il déclame à partir d’un ou deux post Instagram la même chose, à peu de chose près , du Lautréamont revisité. Fabuleux, fantastique. Néanmoins – autre bonne résolution, si j’ai des commentaires à faire, je les fais ici, pas ailleurs, plus ailleurs—ça mérite une médaille en chocolat, une part de bûche, et si j’avais encore des dents, quelques bonnes vieilles caries. Image en avant : Les Chants de Maldoror by Corominas (2007).|couper{180}

Carnets | janvier 2024

1er janvier 2024

En finir avec les illusions du naturel, sans hocher la tête en signe de reconnaissance. Le saumon fumé en tranches ( fines) vit son dernier jour. Décortiquée la crevette se trempe dans la mayonnaise Les enfants portent la nourriture à la bouche tout en regardant un film débile à la télévision. Leur tablette leur manque. Il ne mâchent pas, ils avalent. Haut le cœur. Dans deux heures il sera minuit mais je serai couché, je dormirai à poings fermés. Dans mon rêve le saumon remonte la rivière, la crevette porte une armure grise , la télévision n’existe pas encore, on n’aurait même pas idée de faire bouillir de l’eau. Passage sur Ubuweb. Lu quelques phrases, écouté quelques paroles de Derrida, puis, assez rapidement, me suis demandé pourquoi je m’intéressais encore à toutes ces choses. Le mot décalage est celui qui vient, presque tout de suite pour expliquer le manque d’entrain. Me suis abonné à la lettre mensuelle ( son journal ) sur le site fuir est une pulsion de Guillaume Vissac , grâce à une lecture de F.B sur sa chaine Carnets privés. Et moi me demande où j’étais pendant l’aventure des débuts d’internet, les débuts de Publie.net/ 2008/ mais oui le burnout, blackout total, on me ramassait à la petite cuillère. Puis il fallait faire bouillir la marmite, jobs de merde, notamment dans les hangars glacés de Neuville, dans cet open space peuplé d’hypocrites à Bron, je pouvais encore sauter de cadre à grouillot sans le moindre état d’âme. 2024.— Je te souhaite une bonne année—à toi le monde, à moi. Quel souhait dans le fond, la paix, seulement la paix. Quoi d’autre ? sinon on invente bien sûr, on s’égare : parvenir à réunir enfin la chèvre et le chou dans un seul estomac. Et que les loups deviennent d’un seul coup végétariens tiens ; que les carnassiers montrent leurs dents, qu’on puisse les voir venir de loin etc. etc. Le langage est à l’origine un manque qu’on cherche à combler, on cherche à donner du sens, à s’expliquer, et assez vite on s’en retrouve coupable. Démantibuler le langage pour échapper au sens, à l’explication, à la culpabilité, c’est créer un silence qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux tableaux sur lesquels je retombe. Le manque reste le manque. Il est à sa place. Tout autour il y a aussi des choses, des gens, le monde. Tout le monde semble apparemment à sa place. Et s’il ne l’est pas encore, c’est en raison d’une poussière dans l’œil ; ça ne sert à rien de se frotter les yeux, ça ne fait qu’empirer. Rempli en début de semaine le formulaire de cessation d’activité, et envoyé des mails pour savoir quand je pourrai en recréer une autre sous la forme d’autoentreprise. Finalement reçu la validation de mon premier formulaire, et pas de réponse à mes mails. J’ai donc rempli un nouveau formulaire de création d’entreprise. La Cipav, l’Urssaf ne donnent plus de nouvelles. Sans doute en raison des fêtes de fin d’année. Pas de champagne ce soir. Et dîner frugal. Voir la bouffe passer de l’assiette à la bouche et la télé allumée m’a rappelé des mauvais souvenirs. Je note donc ces quelques mots avant d’aller me coucher, me plonger dans un bon livre, puis dans le sommeil. Concernant l’avancée du journal que je remets au propre, ça n’avance pas bien vite. Je crois que je résiste en me préoccupant beaucoup de mise en page, de marges, de format, de la mise en forme du style de police, de paragraphe. Pourtant rien de sorcier, je n’ai qu’à reprendre les billet jour après jour sur l’ancien site et les coller sur le document Word. Au début je voulais tout faire en même temps. Corriger les fautes, les lourdeurs, élaguer, mettre en forme, mais ce n’est pas la bonne manière, je le sens. Il faut plutôt copier coller à défaut de savoir comment convertir les fichiers XML en texte. Un petit espoir avec un logiciel de la société Wonder Share : PDF élément. Dans leur notice il est dit qu’il suffit d’ouvrir l’XML dans un navigateur et de l’imprimer en utilisant leur option, puis de convertir le PDF obtenu vers Excel. Mais les fichiers doivent être démesurément lourds, la mémoire vive ne peut le tolérer et fait buguer le système. Trouvé aussi un logiciel pour enregistrer tout l’audio qui se présente à l’écran du PC. ( DEMOCREATOR) ce qui me permet d’enregistrer les conférences de Deleuze ( notamment sur Foucault) Cela pour les voyages que j’aurai encore à faire en voiture le lundi après-midi, le mercredi. Peu à peu on abandonne ce qui nous passionnait, ce ne sont plus que des engouements et qui soudain abaissés comme tels s’évanouissent. On essaie de rassembler encore une énergie que l’on croit voir diminuer. On essaie de conserver un peu de cette énergie. On ne voudrait pas tout perdre. Et la nostalgie nous fait aussi oublier l’âge qu’on a, justement à ces moment là précisément ; elle nous procure des bouffées d’espoir que pour mieux nous anéantir par la suite. Une excellente raison de se méfier de toute nostalgie. Pense à la recopie quand tu écris. C’est encore beaucoup trop long pour commencer une nouvelle année, peut-être une forme de résolution, si tu te mets soudain à croire aux résolutions. Au fond de mon sac à dos je retrouve un couteau suisse.|couper{180}