Considérer la chance d’avoir une vieille voiture dont le moteur grippé ne démarre pas au quart de tour

Il faut attendre que ça chauffe

à chaque essai l’angoisse et le désir que ça y soit / espoir et déception mouvement binaire/ attraction et répulsion

mais espoir et déception de quoi au fait

et si ça n’y est pas on recommence ou on laisse en plan on prend le bus le train ou les jambes à son cou

et bien beaucoup de temps passé à lire les élucubrations d’un certain Charles Lamb(1) sur le site merveilleux du Gutenberg project sans doute à la suite d’une lecture en anglais de Lovecraft/avec la possibilité de traduire la page en français ( pas toujours bien français mais ça aide/ça inspire même ) — vu dans les notes cette histoire de sorcières ( pas noté la référence zut ) et ensuite de me demander quelle était la mentalité de l’époque pour écrire des choses aussi bizarres notamment dans la structure des phrases qui—on l’imagine —tente de coller à une certaine idée de la rhétorique c’est à dire avec toute l’attention portée à une notion antique d’équilibre ( mais quelle notion de l’équilibre avait-on alors si l’on n’y collait pas ? )

noté quelques mots savants comme isocolie/protase/ antapodose/ apodause/ clausule.

Nous n’avons plus le temps ni l’attention pour lire de si longues phrases à la tournure compliquée me disais-je au moment où je tombai soudain sur une phrase rigolote de Flaubert :

« Ce n’étaient qu’amours, amants, amantes, persécutées s’évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu’on tue à tous les relais, chevaux qu’on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du cœur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. » (Gustave Flaubert, Madame Bovary)

La traduction effectuée par Chateaubriand de Paradis perdu de Milton m’a fait bâiller

Malgré toute l’attention que je porte au persil frisé celui-ci vers 19h est retombé en quenouille ce qui en dit long sur l’attention sur l’espoir et la déception qu’elle procure

la petite tristesse ( réconfortante ?) que l’on finit par en extraire au bout du compte.

on peut comprendre Kafka d’avoir voulu détruire son journal et du coup le lire c’est un peu comme autrefois aller regarder sous …( je laisse en blanc ) ici l’imagination joue un grand rôle

la nécessité de tenir un journal n’est pas à prendre à la légère mais rien à voir avec l’obtention d’un résultat final c’est probablement du domaine de l’hygiène pour ne pas devenir complètement cinglé asocial meurtrier / un genre de guide comme les rails en restant parallèles guident le train/ peu importe la destination

Il faudrait pour respecter l’usage ( celui de la période ) que la première partie de la phrase soit montante ou donne cette impression de vouloir atteindre on ne sait quel but ou quel sommet pour arriver au final (en se contorsionnant à grand renfort de virgules ) à une chute spectaculaire ( si possible )

Elles vont mettre la vieille dame en maison elle ne fait que tomber /ne peut plus se relever / elles en parlent sérieusement avec des arguments des raisons / et je m’imaginais qu’elles adoptent ce mode d’échange au téléphone pour ne pas succomber à l’épouvante que cette idée leur procure

Elles auraient pu tout à fait hurler se rouler par terre en évoquant cette épouvantable projet.

Ce que l’on conserve de ceux qui disparaissent trois fois rien parfois c’est ce que l’on pense mais si l’on n’y pense pas trois fois rien devient vraiment quelque chose on pourrait en écrire des pages et des pages

puis ceci fait on aurait encore tant à dire pour combler le silence

La forme du journal est trompeuse car on se fie à une chronologie des dates voire des heures et ce autant pour le lecteur que pour celui qui l’écrit ( et parfois se trompe dans les dates ) mais on peut au bout d’un certain temps voir que les sujets sont toujours les mêmes ils ne cessent de revenir exactement les mêmes toujours sous des formes diverses en apparence

et si l’on arrive à établir la liste de ces sujets récurrents que l’on puisse pour chacun regrouper tous les textes qui lui sont liés… ( je laisse aussi en blanc )

l’idée de la collecte m’indispose comme celle d’ordonner quoi que ce soit autrement dit les bras m’en tombent un poil se dresse et frétille au centre de ma paume

mais quand même cette manière d’écrire au 19 ème une façon sentimentale pour ne pas dire enfantine et qui sent l’entourloupe c’est vouloir attraper les mouches avec du miel

une séduction rhétorique

qui tente de séduire qui quand on écrit ainsi ?

Narcisse plonge tête la première dans le ruisseau belle image quand on est jeune moins chouette quand on est vieux ridé beaucoup moins chouette/ risible ?/ pathétique ?

l’empathie par période ne sert pas à grand chose et même il arrive qu’on la perde qu’on ne la retrouve plus qu’on n’y pense même plus on se perd dans les méandres de la phrases les virgules sont des miettes mangées par les oiseaux

alors à quoi peut-on bien penser dans ce cas ?

Image mise en avant ; une lithographie de Daumier dans le Charivari

(1)un peu plus tard dans la journée, lu dans le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates cette lettre

De Dawsey Adams,Guernesey,
îles Anglo-Normandes,à Juliet
12 janvier 1946

Miss Juliet Ashton
81 Oakley Street
Chelsea Londres SW3

Chère Miss Ashton,

Je m’appelle Dawsey Adams et j’habite une ferme de la paroisse de St. Martin, sur l’île de Guernesey. Je connais votre existence parce que je possède un vieux livre vous ayant jadis appartenu, Les Essais d’Elia, morceaux choisis, d’un auteur dont le véritable nom était Charles Lamb. Votre nom et votre adresse étaient inscrits au verso de la couverture.

Je n’irai pas par quatre chemins : j’adore Charles Lamb. Aussi, en lisant morceaux choisis ,je me suis demandé s’il existait une œuvre plus vaste dont auraient été tirés ces extraits. Je veux lire ces autres textes. Seulement, bien que les Allemands aient quitté l’île depuis longtemps, il ne reste plus aucune librairie à Guernesey.

J’aimerais solliciter votre gentillesse. Pourriez-vous m’envoyer le nom et l’adresse d’une librairie à Londres ? Je voudrais commander d’autres ouvrages de Charles Lamb par la poste. Je voudrais aussi savoir si quelqu’un a déjà écrit l’histoire de sa vie, et, si oui, essayer de m’en procurer un exemplaire. Pour brillant et spirituel qu’il était, Mr Lamb a du traverser des moments de profonde tristesse au cours de son existence.

Charles Lamb m’a fait rire pendant l’Occupation, surtout son passage sur le cochon rôti. Le Cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey est né à cause d’un cochon rôti que nous avons dû cacher aux soldats allemands – raison pour laquelle je me sens une affinité particulière avec Mr. Lamb.

Je suis désolé de vous importuner, mais je le serai encore plus si je n’arrive pas à en apprendre davantage sur cet homme dont les écrits ont fait de moi son ami.

En espérant ne pas vous causer d’embarras,
Dawsey Adams

P.S. : Mon amie Mrs. Maugery a, elle aussi, acheté un pamphlet qui vous a jadis appartenu. Il s’intitule Le buisson ardent est-il une invention ? La Défense de Moïse et des dix commandements. Elle aime votre annotation dans la marge, « Parole divine ou contrôle des masses ? ?? » Avez-vous tranché ?

Traduit de l’américain par Aline Azoulay