La prison était parfaite, on n’en voyait pas les murs.
Cependant, le mot prison revenait  : quelqu’un ou quelque chose étouffait à l’intérieur de murs invisibles. Ce manque d’air, cette oppression, cet accablement n’étaient-ils pas les meilleurs indices d’un enfermement que l’on découvrait peu à peu  ?
En apparence, tout semblait en ordre. Les rideaux de fer s’ouvraient à l’aube et se refermaient le soir. La pluie, qui tombait drue, donnait une véritable sensation d’être mouillée.
Le soleil, en revanche, dispensait une lumière plus froide. Bien qu’on parvienne à l’étouffement lors des nombreuses canicules qui se succédaient, la chaleur contenait quelque chose d’impitoyablement glacé.

Trouve ta prison. Plisse les yeux. Patience.

F. dit que j’expérimente. Il parle de technique. On se rejoint sur la technique. Sur les outils.
Ensuite, ce que chacun écrit avec ces outils a-t-il de l’importance  ? Je veux parler du contenu.
F. a sans doute viré l’idée de contenu depuis longtemps.
De mon côté, impression d’être sur une paroi rocheuse. Je grimpe à mains nues.
Je sais qu’en haut il n’y aura plus vraiment d’intérêt pour le contenu.
J’aurai certainement une vision d’ensemble.
Je verrai, en un seul regard, tous les outils se déployer comme des chaînes de montagnes, avec leurs vallées intermédiaires, leurs plaines, leurs fleuves.

Ce que j’écris contient encore trop de contenu. La prison est probablement l’idée de contenu. Ce qui est contenu ne doit plus l’être. Il faut que je demande à S de me donner une claque dans le dos pour changer mon point d’assemblage avec l’idée de contenu.

Hors contenu qui a t-il. N’est-il pas erroné de se poser la question alors qu’on est enfermé dans la prison du contenu. Hors contenu y a t’il des questions. La question existe-t-elle en dehors de tout contenu.

J’ai écrit hors lieu. Je sentais qu’il fallait un espace différent. J’avais cette intuition qu’il y avait une possibilité d’extérieur. Cependant encore une fois le divertissement l’aveuglait sur l’essentiel. Je cherchais vaguement un extérieur, ce qui me dispensait de songer à l’intérieur.

Est-ce que Sei Shônagon n’aurait pas un rapport avec ce que j’écris ce jour ?
Est-ce que Notes de chevet serait le lien ?
Est-ce que l’on peut encore croire au hasard — que la proposition 11 = 2, comme dialogue, évoque exactement ce genre de mouvement interne ?
Est-ce que le temps existe vraiment, tant qu’on reste dans l’illusion du contenu ?
Et si l’on sortait du contenu… sortirait-on du temps ?
Tant que je me pose ces questions, je sais que je suis encore en prison.

Lectures : Signal/Bruit de P.C, reçu par mail.
Écho à un autre email de T.C concernant le cancer. Voir aussi D.C, et M., qui va se faire opérer le 6 d’une tumeur à l’amygdale.
Pourquoi est-ce que je relève ces détails, que je les rumine parfois durant des jours.
Pourquoi je ne m’intéresse pas à des choses plus “joyeuses” ?

Trouvé un livre dans la boîte à livres de Molly Sabata : Hymne de Lydie Salvayre.
Lu la première page.
L’utilisation de “on dit que” m’a sauté aux yeux — c’est probablement la raison pour laquelle je l’ai emporté.

écrire est l’outil même