À Lyon, j’ai appris à « prendre une date ». Mon premier agenda privé, pour gérer des rencontres, des moments censés rester simples. Avant, l’agenda n’avait pas sa place dans ma vie intime. On se voyait à l’improviste : un coup de fil, une envie, un passage inattendu suffisaient pour créer ces instants. L’envie était là, immédiate, sans les lourdeurs d’une organisation. Aujourd’hui, les dates s’alignent, et le jour venu, on se questionne, hésitant : est-ce que l’envie de voir cette personne est encore là ? Souvent, la réponse est négative. Peut-être parce qu’en imagination, l’élan s’est essoufflé bien avant l’heure. Pour les expositions de peinture, c’est pire encore. Les œuvres ont vu le jour dans un élan de joie ou de douleur, appartenant à une époque révolue, à une énergie passée. Mais on a fixé une date, l’exposition doit avoir lieu. Alors, lors du vernissage, il arrive que l’artiste semble étranger à l’atmosphère, presque lunaire. De quoi, de qui parle-t-on ici ? Est-ce bien de peinture, ou d’une mémoire lointaine du peintre et de son œuvre ?