"Un film d’art sur cette génération ne sera qu’un film sur l’absence de ses œuvres"
disait la voix off.
Le documentaire était en noir et blanc et l’on reconnaissait le style de diction des années 50-60. Même si le contenu passait pour être révolutionnaire, même si le texte que charriait la voix paraissait évoquer des choses profondes, l’intonation, elle, renvoyait irrémédiablement à une époque révolue.
Il mit la vidéo en pause et descendit se chercher un café. Tout cela était encore tellement confus. Sans doute faudrait-il visionner une seconde puis une troisième fois le film pour s’extraire de l’hypnose. Cette hypnose née du mélange de souvenirs d’enfance que les images en noir et blanc rappelaient. Façades d’immeubles, intérieurs de café, taches de vin rouge sur les tables, vêtements déjà vus jadis ou plutôt entrevus. Ces vestes, mon dieu, ces vestes qui vous posaient là. L’entraperçu devenant meilleur vecteur soudain que ce qui un jour fut vu. Sous la vidéo, les commentaires s’entassaient. Une vingtaine en tout et pour tout ; ce qui ne paraissait rien par rapport à la déflagration silencieuse qu’il éprouvait au fond de lui-même. Ce qui était révélé dans le film, c’était bien un scandale. Mais on ne s’intéressait plus au scandale, ou alors à la manière d’un simple divertissement. Le scandale avait été mis au pas lui aussi.