Écrire en voyage est plus compliqué cette année. L’iPad fatigue. Le clavier Bluetooth oublié. Les petites péripéties s’enchaînent et rendent l’écriture plus rébarbative qu’à l’ordinaire. Ici, à la Pinada, Vila Sica, la 4G est saturée. J’ai quand même noirci quelques pages, assez pour mener à terme la dernière proposition de l’atelier d’été.
Comment écrire tout ce qui s’est passé depuis notre départ ? Rien qu’y penser m’embrouille.
Un vieux complexe refait surface : l’école, mon parcours, mon indigence en géographie. Je sais m’orienter dans les villes. Mais distinguer est et ouest, nord et sud, impossible. Je ne me fie pas au soleil. J’ai besoin de repères plus concrets.
Génération baby-boomers. Collection de complexes — surtout aux yeux de mon épouse. Ce n’a pas toujours été ainsi. Les intrépidités d’autrefois venaient moins d’une bravoure authentique que de l’ignorance du danger. Une inconscience qui n’envisage pas les conséquences.
La machine qui module la pression, emportée pour me prémunir de l’apnée, entraîne des effets inattendus. Je dors plus de sept heures d’affilée. Ce qui ne m’était plus arrivé depuis l’adolescence.
Mais ce temps de sommeil me laisse coupable. Contre ce sentiment, j’invente des stratégies. J’imagine une vie parallèle. J’y suis un autre. Pas un hasard si j’ai éprouvé le besoin de relire le cycle des Contrées du rêve de Lovecraft.
Et toujours la même question : est-ce suffisant ? Ce doute qui revient. Pas suffisant. Mais dès que j’écris « suffisant », le mot bascule de l’autre côté, celui du fat, de l’arrogance.
Entre les deux est probablement l’endroit du carnet.