Le présent impose une pression constante. Je le sens. On ne voit plus les lointains. Tout se plaque, tout se confond. Le plan moyen, déjà, file vers l’arrière. Comme s’il refusait de s’installer. Comment garder la profondeur ? Comment ne pas devenir ce corps collé à la vitre, cette conscience sans arrière-plan ? Ces derniers temps, j’ai l’impression étrange que le présent s’accélère. Comme une spirale qui s’auto-alimente. On appelle ça « maintenant », mais ça n’a plus rien de stable. On ne sait même plus ce qui vient d’arriver. Tout est déjà remplacé.
C’était étrange. ça ressemblait à première vue à un rêve, un rêve gris, ceux dont j’ai l’habitude. Je pourrais même serrer la main à tous les personnages de ces rêves ternes, comme si j’étais de retour chez moi. La luminosité des lieux surtout provoque cette familiarité. Ce n’est pas qu’elle soit triste, elle ne crée pas d’ombre, aucun contraste, les tons sont savamment proches pour se défier de tout contraste. Parfois quand je reviens ici je me dis ça doit être mon pays.
Sauf que cette nuit j’ai erraflé un mur et j’ai vu la couche de cendres et de saleté s’effacer dans un sillon, il y avait au fond de la blessure une autre luminosité, quelque chose de rouge or si ma mémoire est bonne. Une couleur que même durant mon existence diurne je n’avais jamais vu si intense. J’ai su tout de suite que j’avais sans le vouloir enfreint quelque chose. Alors j’ai frotté autour de la fissure pour la combler. Pour qu’on ne sache pas. Mais la tête des ombres que je rencontre désormais,leurs têtes aux yeux vides me regardent. Je ne peux savoir si leur regard l’est véritablement, accusateur. Leurs orbites sont vides de regard. Et pourtant toutes ces têtes sont dirigées vers moi. A cet instant je me dis que je pourrais me réveiller, revenir dans la chambre, dans le lit, mais quelque chose me dit que ce sera la même chose. S commence à ne plus avoir de regard autre que ces deux trous sombres. Quand elle me parle j’ai la sensation d’entendre un programme répéter toujours les mêmes injonctions. Le chat lui même ne parait plus si normal si mignon. On dirait un estomac sur pattes qui ne pense qu’à bouffer. Je conserve cependant la possibilité de me réveiller d’un rêve à l’autre. Ce que j’emploie assez maladroitement. Il me faudrait dans cette affaire voir surgir un de ces objets insolites, un allié qui change la donne. Qui crée de la nouveauté. Qui rompt ce phénomène affreux de répétition. Encore qu’affreux m’échappe par réflexe, ennuyeux est plus adapté.
La porte, l’issue, le mensonge qui dit un peu plus la vérité que les pseudo vérités. Ils n’ont pas l’air d’en faire grand cas. Parfois j’ouvrirais la fenêtre de la rue et je crierais bien " Oyez Oyez ne sentez-vous donc pas que quelque chose vous suce la moelle". J’aurais l’air d’un fou évidemment. Ces gens là croient au pape. Il fallait voir le monde sur la place Saint Pierre. Le grand suceur de sève avec sa mitre et son bâton se pointe sur le balcon et boum faut voir l’hystérie. Pareil sur les scènes de spectacle. Il faut juste un catalyseur. Une star. Comme il faut une flèche aux cathédrales. Ensuite on te secoue tout ça d’effusions, de vibrations énergétiques, le casse-croûte des vampires est prèt. Et tous collaborent depuis la nuit des temps.
The present applies constant pressure. I feel it. No more distance. Everything flattens. Collapses. The middle ground flees, won’t settle. No depth left. Just a body stuck to the glass. A mind with no backdrop. Lately, the present speeds up strangely. Feeds itself. We call it “now,” but there’s nothing stable in it. You can’t even tell what just happened. Already overwritten.
It felt strange. Like a dream, at first glance. A grey one. The usual kind. I could shake hands with every character there, like I was home. It’s the light, mainly. Not sad, no shadows, no contrast. All shades close, polite, neutral. Sometimes, when I return, I think : maybe this is my country.
But last night, I scraped a wall. The grime, the ash flaked off in a clean stroke. And there, beneath the wound, another kind of light. Red-gold, I think. A color I’d never seen, not even awake. I knew I’d broken something. By mistake. I rubbed around the crack, tried to erase it. Hide it.
But now the shadows stare. Thin faces. Empty eyes. I can’t tell if they judge me. They have no gaze. Just holes. And yet they all face me.
I tell myself I could wake up. Back to the bed, the room. But something says it’ll be the same. S begins to lose her eyes too. Just two dark pits. When she speaks, it’s a loop. A program repeating itself. Even the cat isn’t cute anymore. Just a stomach on legs. Wants to feed. Nothing else.
Still, I can jump between dreams. I do it badly, but I do. What I need is an odd object. A breach. A helper. Something new. Something to break this loop. Though “awful” feels wrong. “Tedious” fits better.
The exit. The lie that tells more truth than the truths. They don’t seem to care. Sometimes I want to open the window and shout, “Hear ye, hear ye, don’t you feel something chewing at your marrow ?” I’d look mad, of course. These people still believe in popes.
You should’ve seen the square at St. Peter’s. The big sap-sucker with his hat and staff pops out on the balcony and boom — hysteria. Same at concerts. All it takes is a catalyst. A star. Like a spire on a cathedral. Then it’s all flowing. Energies. Transports. The vampire buffet’s ready. And they all help. They’ve always helped. Since the beginning.