Avril commence dans une étrange ambivalence. Je ne suis pas tranquille — et en même temps, profondément si. Tellement profondément que ça m’inquiète un peu. Je lis beaucoup, j’écris tout autant, j’essaie de donner une forme à ce qui m’échappe encore. J’ai même esquissé un agenda, comme une petite promesse à moi-même, un pacte discret pour maintenir un cap.

Le printemps arrive, oui. Mais ce n’est pas un printemps éclatant. C’est une saison trouble, faite de décomposition et de crues, comme si le renouveau devait surgir à travers la vase. Le mot renaissance me vient, mais je le repousse aussitôt — trop chargé, trop galvaudé. Pourtant, quelque chose pousse, à travers le désordre.

Je découvre, je redécouvre. Le Roi des Rats de China Miéville m’a pris par surprise. Ce roi-là, c’est un autre Dibbouk. Il marche sur les mêmes lignes brisées, parle à la même zone trouble de la mémoire. Et moi qui croyais encore avoir inventé quelque chose… C’est mon ignorance, je crois, qui me blesse le plus souvent.

Dehors, le monde s’effondre. Ce que je vois aujourd’hui, je ne sais même plus comment le nommer. On dit « nazisme » faute de mieux, mais il me semble que nous sommes en présence d’une violence encore plus nue, plus basse, déliée de toute idéologie. Une violence sans but, juste pour le profit. Une orgie terminale. Et personne ne s’oppose vraiment. Même l’opposition me semble orchestrée, régulée par ce qu’elle dénonce.

Alors j’écris. Pas pour sauver quoi que ce soit. L’écriture ne sauve pas. Elle ne fait que creuser un rythme, une pulsation. Elle fait tenir debout. Elle donne forme au néant, un peu, pas plus. Écrire, c’est recommencer à zéro, toujours. C’est Sisyphe, oui. Ce n’est pas héroïque. C’est simplement ce que je sais faire. Comme d’autres prennent leur bus à l’aube.

Le Dibbouk continue de muter. J’ai changé un peu la mise en page, je suis passé à Tailwind CSS, en bidouilleur honnête. Une refonte est en cours, plus sérieuse, plus propre. Les digests de carnets ? Stand by. Ils reviendront. Je me concentre aussi sur un roman, new weird, influencé par Miéville. Douze chapitres. Pas de plan. J’avance à l’aveugle. Je m’essouffle, mais j’apprends.

Je partage mes textes sur X, Mastodon, Seenthis. Pas pour faire du bruit. Juste pour tendre une main. Pour rencontrer peut-être quelqu’un, quelque part, que ça touche. Je ne suis pas très bon en communication. Je le sais. Mais je sais écrire. Et lire. Et c’est encore ce qui me sauve, un peu.

Ce mois-ci, j’écoute les Stones, les Beatles. Non par nostalgie. Pour l’énergie. Pour le rythme. Pour faire ce que j’ai à faire.