réecriture
Je te le dis, ce n’est pas une confession, c’est un carnet qui tente d’orner l’irréparable — non pas embellir, déplacer ; il écrit “aujourd’hui je me lance” et déjà la réalité se matifie sous la phrase, la scène se réduit à trois choses : la pièce close, la respiration qui joue faux, les mains qui hésitent avant de se poser ; il voudrait, dit-il, mêler un peu de chair à l’aveu pour lui donner de l’élégance (non, pas élégance, un prétexte), et la phrase attend le point où le dégoût deviendra geste, mais ce qui arrive n’arrive pas — la pièce se resserre, l’air manque, puis plus rien, et déjà l’eau brûlante remplace la scène, la buée mange le miroir, il siffle un air pour ne pas entendre le reste ; plus tard, Frances referme le carnet sans trancher — non pas par prudence, par aporie : écrit-il pour devenir écrivain, écrit-il pour couvrir ? on dirait une esthétique, non, pas une esthétique, un écran ; elle pense aux cassettes, à la manière dont une voix peut fabriquer un récit autour d’un vide, elle note que le mot “éditeur” revient comme un talisman (non pas une promesse, une fuite en avant), elle laisse reposer, parce qu’à ce point précis la littérature et le crime se tiennent au bord sans se confondre — alors elle souffle sur la page, la buée se retire à peine, l’empreinte des doigts reste, et l’eau du robinet continue, régulière, comme si la pièce, elle, n’avait rien appris.