cercles
Pourquoi perdre son temps avec ce désir de validation, de reconnaissance, avec cette obsession fatigante qui se manifesterait par je ne sais quelle preuve d’appartenance. Pourquoi.
Lucidement, la question apparaît d’autant plus légitime que je regimbe systématiquement à entrer dans la moindre coterie. Peut-être en raison de mon expérience passée, notamment dans le domaine de la peinture, pour avoir fréquenté des groupes, des associations, des entreprises de tout ordre. L’être humain devient rapidement insupportable sitôt qu’il se fond dans un collectif, quel qu’il soit. À partir du moment où il devient membre, quelque chose change : il parle moins en son nom propre qu’au nom du groupe. Une mutation subtile s’opère, comme si l’identité individuelle s’érodait au profit d’un nous un peu artificiel. Aussi les évité-je comme par principe désormais. Comme une règle gravée dans le marbre : pas de groupe, pas d’association.
Et pourtant, parfois, je sens bien ce désir d’appartenance qui pointe malgré tout. Je le surprends, le vilain bout de son nez, qui repasse par la fenêtre alors que je l’avais chassé par la porte. Il suffit d’un texte qui circule, d’une petite communauté qui s’échange des félicitations — et je sens ce picotement désagréable : pourquoi eux et pas moi ?
C’est sans doute cette envie qui me révolte le plus, comme une trahison contre moi-même. Parce qu’elle va à l’encontre de cette règle d’or que je me suis imposée : rester à distance des clans et des cercles fermés. Mais voilà, l’envie de reconnaissance est plus rusée que la lucidité. Elle revient en douce, masquée sous des dehors de curiosité.
Je pourrais m’en moquer, traiter cette tentation d’appartenance comme une faiblesse passagère, un réflexe conditionné par l’obsession contemporaine du réseau. Mais ce serait hypocrite. Car en réalité, ce besoin de validation est aussi légitime qu’agaçant. Qui n’a jamais voulu se sentir accepté par ceux qui partagent le même langage, les mêmes obsessions littéraires ? Peut-être que le problème n’est pas tant l’envie d’être reconnu, mais ce que cette reconnaissance impliquerait : céder, s’enfermer dans une esthétique convenue, faire semblant d’adhérer alors que je ne m’y retrouve pas vraiment.
Et peut-être aussi que la lucidité finit toujours par se faire avoir par ce besoin d’exister aux yeux des autres. La question reste ouverte : peut-on se sentir pleinement légitime sans l’aval d’un groupe ?
Pour continuer
Carnets | mars 2023
peuple
Illustration James Ensor Il est dans la rue. Le peuple appelé aussi gueux et chienlit, à l'image exacte de ceux qui prétendent le gouverner. On a du mal aujourd'hui à faire coïncider une certaine idée de culture, d'humanisme avec le foutage de gueule de tous les chefs d'états vis à vis de leurs peuples respectifs. Quand on se fout de la gueule du peuple c'est qu'on le considère comme une bête ; ce qu'il devient car un contenant vide se remplit de tous les noms qu'on veut bien lui donner. Autant de ridicule dans la vocifération des uns que dans la morgue des autres. Et non le ridicule ne tue toujours personne, désormais il fait même exister, il distribue les identités. Ensuite la soi disant misère ou pauvreté... Il n'y a qu'à se rendre dans la zone commerciale juste à côté pour voir avec quelle avidité certains remplissent leurs paniers leurs caddies avec au ventre l'affreuse peur de manquer, l'obsession de remplir d'amasser de collectionner. La queue aux pompes. L'absurde. Si on voulait vraiment marquer un refus politique descendre dans la rue n'est pas le moyen. Il faudrait utiliser les réseaux sociaux et dire n'achetez plus rien, ne buvez plus ne fumez plus, ne roulez plus, ne consommez plus. Contentez vous de peu voire de rien, et d'une pierre deux coups, non seulement l'état ses banques seraient en faillite, mais chaque citoyen retrouverait la joie de vivre, car il y a une vraie richesse, une jubilation dans la nudité.|couper{180}
Carnets | mars 2023
Ce n’est pas encore ça.
Un rêve, non c'est plutôt une blague de rêve, mais je le fais régulièrement et à différents moments de la journée. Un peu comme une séance d'analyse, avant que tu comprennes ce qu'est vraiment une séance d'analyse. C'est à dire que tu parles à quelqu'un qui ne te répond jamais. Un phénomène long d'érosion, parfois assez pénible mais qui soulage en final par l'autonomie formidable qu'on y gagne. Et à chaque fois tu te creuses la tête pour trouver LA bourde, L'ineptie la plus minable qui te mettra minable absolument définitivement. Mais l'autre reste de marbre. Ce n'est pas encore ça tu te dis. Tu te le dis 10 fois, 100 fois, 1000 fois. Bon Dieu comme tu apprends grâce à cette projection de ton bourreau intérieur. Puis le dernier jour tu t'amènes avec une brouette pleine de pièces de 5 cts pour payer ta séance. Tu la renverses sur le tapis persan. Et tu fais un petit signe de la main comme la vieille dame dans la piscine de ce roman de Kundera. Ciao ! Mais évidemment le lendemain tu y reviens, tu sais pertinemment que ce n'est pas encore ça.|couper{180}
Carnets | mars 2023
complot
Grâce au 49,3 l'apoplexie guette la France. Ce qui fait monter le taux d'adrenochrome dans les artères. Des vaisseaux reptiliens sont planqués derrière la Lune. Ils attendent le top départ de Biden la momie moldave pour venir nous sucer le sang. Mais sinon tout va très bien madame la marquise. Poutine est à la manœuvre même si on ne le dirait pas à cause de son air de Snoopy mais il possède une flotte de vaisseaux munis d'un système anti gravité et des informations hyper précises provenant du centre de la terre directement pondues par la fée Carabosse au fin fond du triangle des Bermudes. Alicia peut emprunter la voix d'un mort pour annoncer le couvre feu ou l'arrivée d'une lettre recommandée. Mac Donald sème l'obésité en partenariat avec Comme j'aime pour faire encore plus de ronds et en même temps d'une pierre deux coups dezinguer les ados boutonneux cuistres et sourds comme des pots. Le christ est en stage accéléré près du Roi du Monde dans les bas fonds de Shambala. Quant à moi toujours aucune cigarette depuis le 27 février 2023 pas de joint non plus, j'essaie de conserver en bonne santé mon esprit , mon âme, attaqués de toutes parts par les forces satanistes. Je prévois un changement de patronyme dans peu de temps. J'adorerais qu'on m'appelle à partir de maintenant Jean-Baptiste. Si j'ai le temps j'irai chez Gifi m'acheter un manche balai. Pas de doute qu'avec la puissance de ma foi inébranlable je pourrai le transformer en sabre laser. Le bas astral n'a plus qu'à bien se tenir.|couper{180}
