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Carnet 12

Lien vers le carnet entier compilation au jour le jour Proposition reçue le 20/11 à 18h42 Le dessous des dessous, la grisaille. Dans l'écriture comme dans la peinture. Coïncide avec la mort ce jour de Jean-Marie Straub. https://youtu.be/6OHPfIrqzJ4 Le dessous des textes, leur grisaille, participe de leurs fulgurances à venir. Pour Cézanne, le peintre, pas moins de trois catastrophes pour qu'il puisse démarrer vraiment. Il faut écouter Deleuze en parler ( propos sur la peinture) il appelle ces peintres qui ont besoin de la grisaille, du dessous des choses, d'os , de squelettes, de champs de bataille ou de champs de ruines les peintres de la catastrophe. Y a t'il aussi des écrivains de la catastrophe. Mais oui tous je crois. Sauf que ce n'est pas tout de traverser des catastrophes, il faut être disponible pour la fulgurance qui suit. Ne pas se reposer en route. Récemment je parlais de Marcel Moreau. On ne peut pas vraiment dire qu'il soit devenu un Cézanne de la littérature. Je crois que c'est dû à ce que Leiris nomme "l'écriture tauromachique". Personnellement j'appellerais cela comme un vieux grec, le dionysiaque. Notre époque refuse le dionysiaque. Elle ne le supporte pas. Et que se passe t'il quand on refuse de participer à la fête ? Et bien les ménades vous tombent dessus et vous bouffent tout cru n'est-ce pas. Ce qui rejoint une pensée de ce matin sur la verdeur clamée affichée de ces vieux peintres. Peut-être ai-je été un peu trop sévère. Le sexe, l'érotisme sont parmi les premiers creusets du dionysiaque, c'est le lieu de tant de métamorphoses. Le lieu de la passion, de la violence de celle-ci puis de tous les raffinements que l'on met en place pour l'épuiser ou la raviver. Et comme en écho a cette affaire de grisaille, l'œuvre au noir est un préambule obligé. C'est à dire que la décomposition la merde, la boue, le sperme, la cyprine recèlent des trésors à condition qu'on veuille bien se pencher sur eux. Or notre époque se pince le nez. ( mais j'ai le sentiment que toutes les époques se pincent perpétuellement le nez non ? ) Il y a peu j'ai proposé un stage pour apprendre à peindre des grisailles, je n'ai eu personne, sans surprise. Mais il fallait bien tenter le coup. Et aussi en période de décadence, de marasme il est possible que l'orgiaque, comme les trop longs préliminaires devienne vite hors-sujet. Preuve ce besoin d'ordre qui monte désormais partout en Europe, dans la monde. Ordre et sécurité voilà ce que la plupart des gens veulent. Et surtout pouvoir travailler en paix. Travailler et vivre en paix tant c'est déjà dur, est-ce du luxe ? certainement pas. donc l'écrivain est un privilégié s'il se donne la possibilité d'étudier sa propre grisaille, c'est à dire s'il se paie ( souvent cher) le luxe du temps. Si l'on prend les émotions qui nous traversent une à une, si on n'a pas peur de s'enfoncer au plus profond d'elles, pénétrer la boue de celles-ci, un orgasme est fortement possible. Ou attend calme toi Ben Hur, parlons d'intuition aller. C'est de cette fulgurance là dont il est question et de tout le travail préalable à effectuer en amont. Dans ce film qui évoque une visite au Louvres le propos tenu provient d'un mort. Au delà de sa propre mort Straub évoque la disparition de plusieurs générations d'artistes pour lesquels le dessous des œuvres étaient d'une importance capitale. Peut-être en ai-je déjà parlé aussi toute déférence gardée lorsque j'évoquais les conversation entre De Vinci et Botticelli à propos des "fonds" Le premier toujours pressé et toujours en quête à la fois d'argent comme de protection n'avait pas le temps d'étudier aussi minutieusement ce travail de fond que son interlocuteur qui lui, n'était pas gêné de s'y consacrer jusqu'à une année entière. La fameuse Renaissance, c'est là que commence vraiment notre époque moderne avec Léonard, l'homme pressé, le travail rapidement fait, et pourquoi pas avec brio. Vite et bien. Sauf qu'il y a toujours une raison à tout. Aujourd'hui on réinvente les haies dans la campagne par exemple, et on peut imaginer qu'un de ces quatre on en revienne à l'étude des grisailles. 19h43 Continuer l'exercice. Aller vers un épuisement, tout ce qui sort est cette grisaille finalement. Ne pas penser à faire de la littérature comme pour peindre il ne faut pas penser aux galeries, aux expositions, mettre les mains dans le cambouis. La problématique est qu'on y prend souvent gout. On peut même finir par se perdre complètement de vue tant on y est jusqu'au cou. Et trouver cela désopilant. Donc une bonne question à poser serait : A partir de quel moment à t'on assez d'argile pour fabriquer un Golem qui tient le coup. Il y a donc une estimation à effectuer. L'estimation un sacré mot. Estimer son travail, estimer une distance, estimer quelqu'un ou soi-même. Il faut que l'œil s'accommode à la pénombre. Cela peut prendre un temps plus ou moins variable. Des années chez moi. On croit que je suis rapide mais c'est faux. Il y a beaucoup d'obscurité et de temps en amont. Mais parfois je crois aussi tout ce que l'on me dit. Et je me flagelle, me fustige, oh oh comme je suis rapide, trop rapide, etc. Sortir de la grisaille serait botter en touche, l'éluder. Au contraire y replonger pour faire sans doute le tour de quelque chose. Avant la mort. Avant d'être emporté par le doute. Je crois que selon le temps dont je disposais, le temps à ne pas avoir à gagner ma vie, j'ai barboté beaucoup. Aujourd'hui ce serait différent si j'avais la possibilité de tout recommencer. Mais tout le monde dit cela mon cher, comme si je gagnais le gros lot au loto. Mauvaise piste. Non tu as fais ce que tu as pu je crois. Ni plus ni moins. Mais la relecture de tous ces textes fut la plus grande des difficultés. Elle l'est toujours un peu. Parfois j'ai honte, le rouge au front, des frissons. Est-ce vraiment moi qui ai écrit ces horreurs ? Oui et non. Avant je ne savais pas. Le je était le je. Puis le je s'est évanoui remplacé par un autre. Et à la fin il y a fort à parier que le je redeviendra le je. comme dans les petits contes bouddhistes quand ils parlent de la montagne. La grisaille tient chez moi en une destruction du je mais qui ne se voit pas du tout à l'œil nu. Qui ne se voit pas du tout. le mimétisme est tellement surprenant que je comprends mieux pourquoi je me suis autrefois fait surprendre. Donc l'écriture et la lecture sont liés oui mais la grisaille c'est dans notre vie qu'il faut aller mettre les bras dedans. Ou alors il faut être un génie, mais je crois que l'on en trouve plus dans le domaine de la poésie que dans le domaine de la littérature en général. Parce qu'il n'y a pas que l'émotion. Il y a aussi une forme d'intelligence à développer concernant la langue. Quelle langue parle t'on vraiment ? Je me souviens, à une époque j'avais bien aimé la langue de Laurence Durrel. Elle avait un gout exotique. Celle de Miller avait un gout de hot-dog. Je ne parle même pas de la langue de Hölderlin, un flocon de neige qui fond. Pas plus de celle de Fante qui avait un gout de Malboro ou de Lukies. J'ai emprunté tellement de langues diverses et variées, sans compter celles apprises à l'école, ou par moi-même, comme le farsi par exemple et quelques rudiments de russe, de sanskrit qu'il doit bien y avoir une raison. Et cette raison était de trouver la mienne par défaut si je peux dire. C'est pourquoi je n'écrirais jamais plus comme toutes ces personnes que je viens de citer mais il fallait bien que je le fasse avant de découvrir "le pot aux roses". 21h26 l'idée, la matière la forme. Bon... prend donc ça comme tu veux. L'idée avant ou après la forme hein. Grande question. Et bien une idée ne nait déjà pas comme ça. Ou alors c'est une idée ordinaire. Pour qu'une idée naisse il faut beaucoup élaguer toutes les idées ordinaires. Les ruminer. Les mâcher. Les avaler. Donc écrire des conneries n'est pas si inutile qu'on le croit. D'abord qu'est-ce qu'une connerie c'est souvent une idée non aboutie. Un avorton. Et comme la plupart des gens n'aiment leurs semblables que lorsqu'ils ne se ressemblent pas trop fort voilà le ridicule qui fuse, la connerie comme on dit. Straub est tout à fait digne de respect quand il évoque l'idée, la matière, se colleter à la matière et que c'est de cette bagarre que la forme surgira. Mais il faut pour cela partir d'une idée qui ne soit pas une idée à la mode, une idée dans le vent. Et comment va t'on la trouver cette idée hein ? Par une succession d'essais, de ratés. C'est aussi ça la grisaille. On n'en parle pas beaucoup quand on voit les livres sur les étagères des libraires, ni quand on voit les tableaux accrochés dans les galeries. Toute cette grisaille à traverser pour arriver à quoi, à si peu de chose au final. Des cendres comme dirait Klein. Et là dessus bien d'accord 21/11/2022 3h47 L'épuisement, pas encore. Tant de choses à dire sur la grisaille, il faudra bien que je vide mon sac complètement pour fouiller la merde et trouver la pépite. Incidemment (oh ce mot), incidemment Normal Rockwell refait surface. Et j'ai choisi cette illustration là en particulier parce qu'elle représente ce que j'ai dû quitter pour m'enfoncer dans la grisaille. Je veux dire ce mensonge ( pour moi et à l'époque, c'est à dire à 16 ans) d'une vie de famille que l'Amérique aura vendue à tant de gogos pour écouler ses bagnoles rutilantes, ses robots ménagers, ses réfrigérateurs imposants, en un mot son mode de vie obscène. Mode de vie qui déjà donc m'écœurait à la sortie de mon adolescence. Sans doute que si j'ai un jour été possédé par quoi que ce soit, ainsi qu'on me le disait régulièrement, par le diable, ce fut véritablement dans cette période entre la fin de l'enfance et le début de l'âge adulte. L'obsession d'être à l'abri du besoin me dégouttait absolument car elle ne cessait d'être la cause principale ( toujours pour moi) de toutes les bassesses des êtres qui m'entouraient. Encore faut-il comprendre ce que toutes ces personnes nommaient le "besoin". Une génération ayant connu la guerre et surtout ayant assisté au déferlement de gadgets pondus par les trente glorieuses ne mettait pas le besoin sur le même plan que l'adolescent nanti que j'étais alors. Ma faim et ma soif n'avaient rien à voir avec la leur. S'enfoncer dans le manque, dans la privation non plus. Pour mon père ses cheveux se mettaient à blanchir aussitôt qu'il croisait un misérable. Quant à ma mère c'était sans doute plus la déchéance morale que la pauvreté la misère lui rappelaient. Ce qui ne l'empêchait pas comme très souvent les gens moralisateurs, de n'en avoir que peu pour elle-même. Le mensonge était tellement bien ficelé je m'en souviens comme si c'était hier. Et je dois dire qu'avec le temps rien n'a vraiment changé, tout au contraire le mensonge s'est encore plus enfoncé dans les cervelles, il est devenu une norme et a fait de nous tous des consommateurs à la solde des grandes entreprises du Cac 40 et de leurs actionnaires. Moi, je suis né en 1960, le mal était déjà fait depuis belle lurette. Il a fallu quelques années pour je prenne conscience que quelque chose clochait. Cette obsession de confort qui à la fin me devint insupportable. Donc partir et s'enfoncer dans l'inconnu. Pouvait-il exister autre chose que de se goinfrer à tire larigot, et de déverser dans les chiottes tous ces tombereaux de défécations de merde disons-le ( minimum 5 tonnes par être humain désormais ) Manger et chier voilà le cycle. Insupportable si on y pense. Et si on n'y pense pas ce malaise lancinant, perpétuel. A son climax les dimanche, durant les repas de famille. Peut-être suis-je totalement fou de renier cette image. Celle du bon père de famille observant la dinde prêt à la retenir si elle perdait par hasard l'équilibre avec le bout des doigts d'une main bien carrée posés sur la nappe blanche. Et la maitresse de maison, cheveux bien ramenés en arrière, avec ses lorgnons son tablier blanc et sa robe à fleurs mon Dieu l'asepsie, la platitude de la poitrine, le remède contre toute passion. Tout le monde est si heureux. On me traitera de cinglé de ne pas vouloir participer à un tel bonheur n'est-ce pas. alors oui et encore et toujours je suis cinglé. Et je ne vais pas me changer maintenant. Je crois que tout est désormais si bien inversé de la vérité et des mensonges qu'il est presque totalement impossible pour un nouveau né aujourd'hui de ne pas naitre abruti. Je veux dire que génétiquement le capitalisme est parvenu à ce tour de force génétique. ensuite comment passer de l'abrutissement total à la première lueur de discernement est une autre histoire. Une histoire terrible s'il en est, probablement un récit digne de Stevenson et son "ile au trésor" ou drôle—son docteur Jekyll et mister Hyde, sans oublier l'âne le chemin et les Cévennes, bien sûr. L'implantation du confort va sans doute avec celle de la schizophrénie. Mon Dieu tout ce cinéma qu'il faut se taper pour gagner désormais trois ronds. les masques fusent et les acteurs n'en parlons même pas. Et le pire de tout ça c'est que la plupart ont oublié qu'ils jouaient l'acteur, ils se sont pris au sérieux. Refuser de jouer et vous vous retrouverez à la porte voilà. Dans les années 80 ça allait encore à peu près. On pouvait encore avoir ce loisir délicieux de dire merde à son patron et traverser une ou deux rues pour retrouver un autre boulot. Je ne me suis pas privé. Le monde de l'entreprise est une grisaille toute autre que celle dont je parle plus haut pour peindre ou pour écrire. Les pépites qu'on y découvre vont directement dans une autre poche que la tienne. C'est ce que j'ai noté assez rapidement. Il faut donc ruser, et trouver un autre type de rémunération à sa peine. L'observation, les notes, l'attention que l'on aiguise comme un coupe-chou de barbier, et arroser chaque jour cette petite plante qui commence à naitre au milieu de toute cette désespérance. L'humour, la dérision, seule porte de sortie pour ne pas se pendre. Mettons une croix sur tout ça et allons donc vers le plaisir, l'étonnement, la joie. Les livres, les bibliothèques, la musique, les arts et comme un sauvage réinventons des totems en évitant les tabous. Voilà donc aussi ce que je me suis dit à cette époque, celle de mes vingt ans. Ce fut ça mon or et j'ai été capable à l'époque de peiner mille fois plus que si j'avais eut quelques velléités pour festoyer et me goinfrer de dinde aux marrons, de poulets en sauce, d'ortolans et toute la kyrielle de récompenses dominicales que l'on s'offre après une bonne semaine de boulot. Puis enfin repu allumer la boite à cons et roupiller sur un divan moelleux.. Oh les beaux jours 4h46. Tout ce que tu écris sur la page de ce carnet, voilà la véritable grisaille. Des choses que les autres et toi connaissent par cœur pour la plupart. Qu'ils n'auront guère envie de lire. Et tu vois, tu pensais placer l'autre à l'écart, ne pas tenir compte du lecteur, mais il est là malgré tout dans le recul que tu prends par rapport à tant de signes déposés sur la page. Cependant que ce lecteur c'est aussi toi. Une idée qui revient de temps à autre comme un papillon c'est celle d'écrire des livres que tu aimerais trouver dans les rayons d'une bibliothèque, et qui t'emporte jusqu'au bout de toi-même en les lisant. Bien sûr tu ne captures pas les papillons, tu les laisses virevolter dans l'éphémère. Tu as ce sens aigu de l'éphémère. Tout le contraire d'un livre fait pour durer. 6h20.La grisaille, c'est un peu comme une montagne. Au tout début on pense qu'elle est la grisaille puis on ne sait plus trop ce qu'elle est, et enfin elle redevient ce qu'elle a toujours été, la grisaille. Une pensée aussi pour la peinture je crois que beaucoup de peintres de nos jours peignent des grisailles sans le savoir. Moi-même par exemple. Et ce n'est pas une affaire de noir et blanc, de gris ou de couleurs. C'est simplement une préparation que l'on confond avec un aboutissement. Douter de tout aboutissement serait une solution s'il ne fallait gagner son pain. On en revient toujours à une forme d'urgence lié à la contingence C'est pourquoi la nouvelle, le fragment, se déploient de plus en plus comme les petits formats en peinture. Il faut tenir compte de l'espace que les gens allouent aux livres, à l'emplacement des bibliothèques dans les appartements, et aussi des murs dont la surface se réduit, elle aussi comme une peau de chagrin. Le pragmatisme accompagne le doute et peut même nous en soulager un temps. Cela ne soigne pas pour autant la schizophrénie. Il faudrait apprendre à se dédoubler sans se perdre de vue totalement. Tailler dans le temps la part du lion et celle du mouton. Pas simple, et même coton. Mais pas impossible. 18h00. Autrefois la grisaille était un passage convenu pour accéder ensuite à la lumière sur le tableau. Elle était aussi la sous couche d’événements invisibles ou à peine perceptibles de l’œuvre. Des défaites notamment, des catastrophes, en moyenne deux ou trois parfois chez Cézanne. C’est qu’il y a une bagarre pour atteindre quelque chose qui se produit souterrainement dans la peinture. Une idée est là qui se dérobe. C’est par une longue trituration de la peinture que l’on commence à appréhender la forme qu’elle nous invite, nous impose, à lui donner. Huile sur toile 40x30cm|couper{180}

Carnet 12

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Un petit art de fin du monde

Se prendre par l’épaule, se consoler, s’encourager. Amis nous sommes arrivés au bout n’en soyez pas chagrin. Les grands maîtres ont disparu et nous avons rapetissé. Toutes les idées ont déjà été énoncées, tous les récits racontés mille fois, tous les tableaux ont été peints. Ami regarde tout ce qui fut fait n’est plus à faire et il ne nous reste encore qu’à trouver un peu de joie de chaleur dans ces faits. Nous pouvons encore agir participer, jouer, notre art, qu’importe qu’il soit le plus petit art de tous les temps, un art de fin du monde. Tout à déjà été fait ou dit mais tu peux revenir en arrière et recomposer les faits et les dits à ta manière. Il serait bon de comprendre que l’on ne fait pas du neuf avec du neuf mais avec du vieux. Surtout en ces périodes d’économie. Reprendre ainsi tous les genres et compresser en quelques lignes l’essence de ce qui a déjà été tant de fois dit. La comédie, la tragédie en deux paragraphes, des nouvelles d’une demie page, des contes de trois lignes. Des romans en deux mots. Et songe au ton. Le ton d’un Rabelais, d’un Montaigne, d’un Racine ou d’un Molière. Le ton est cette parcelle d’éternité que l’on se transmet d’une génération à l’autre au travers des ouvrages que l’on lit que l’on dévore qui nous imprègnent. L’esprit et non seulement la lettre voilà ce qu’on peut encore aviser et si nécessaire en deviser. L’esprit et la devise, créer un nouveau temps des proverbes pour les générations futures qui passeront comme des TGV, qui n’auront plus le temps de lire, ni d’attention trop longue. Trouver la formule comme disait Rimbaud et être résolument moderne. Moderne pour l’avenir, sans oublier tout à fait le passé.|couper{180}

Un petit art de fin du monde

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évitement

il parait qu'au Japon dans le métro c'est un ballet on se frôle jusqu'à— presque—se toucher mais rare que l'incident arrive. On s'évite. Tout un art nippon de l'évitement. Ici en France, dans ce pays barbare on ne sait plus trop. S'il faut s'empoigner ou s'écarter les uns des autres. La proximité n'a plus vraiment de règle. Défaillante l'institution. C'est que nous sommes las, rincés, de tant de quiproquos. On cherche la bonne distance, avec mesure si possible. Nous en sommes toujours là. Partout les dictatures menacent, les mots d'ordre poussent comme cette année dans les bois les champignons. Une belle année à champignons mais pas une très bonne pour les libertés. On en a marre de la liberté, on ne sait pas quoi faire avec la liberté, elle nous emmerde la liberté. Nous ce qui nous importe c'est à quelle distance exacte au millimètre près on doit se situer par rapport à la caisse dans la boulangerie. Et si on doit dire bonjour avec plus ou moins d'empathie au premier employé que l'on croise dans le hall, dans le couloir. il parait qu'aux Amériques les gens sont contents que Trump soit de retour sur Twitter. Sans doute pas tous, mais un grand nombre. Ils sont content car la devise the show must go on. Et puis faut-dire aussi que rien ne se dresse plus vraiment face à la sottise. En tous cas pas un vieil homme qui perd la boule comme Joe. Pauvre Joe. Il n'a pas été acteur, sans doute est-ce la difficulté. Les acteurs ont une meilleure mémoire que n'importe qui d'autre. Ici en France, dans ce pays barbare on ne sait plus trop, on a repris le même on l'use jusqu'à la corde, s'il sert à quelque chose c'est pour passer les nerfs probablement plus qu'à autre chose. Et puis on essaie d'être américain depuis tellement longtemps qu'on finira bien par y arriver. Preuve tous ces petits scandales avec lesquels on se fait la main. Peut-être qu'à la Noël sous le sapin, un bon gros et l'on criera hourra on est enfin américains Il parait qu'en Chine pas une seule tête ne dépasse, sauf celle de Xi Jinping qui pourtant n'est pas un homme très grand. On se demande comment c'est possible qu'autant de monde se rapetisse à ce point pour qu'un petit ait l'air grand. Ici en France dans ce pays barbare nous avons aussi de petits hommes comme présidents. Depuis le grand Charles on dirait que nous en avons soupé des géants. Mais attention, maintenant nouveau sport on se hausse sur la pointe des pieds pour les rendre encore plus petits qu'ils ne sont. C'est une spécificité française je crois. Récente ? il faudrait examiner les faits. Il parait qu'au Brésil il ne savent plus trop où ils en sont, une grande valse hésitation entre ceux qui veulent de l'ordre et les autres un peu d'humanité. Quelque chose de l'ordre du quantique est dans l'air là-bas. Comme pour les particules la vérité est aussi bien ici que là, elle traverse les murs des favelas comme les vitres des immeubles de Rio ou de Sao Paulo mais personne ne saurait vraiment s'en faire une idée nette. Ici en France, c'est différent, chaque français dit sa vérité et c'est la seule pour lui. Si par hasard il arrivait que l'on tombe d'accord ce serait vraiment la pire des catastrophes. Un peu de cette vieille peur gauloise ou celte que le ciel nous dégringole sur la tête. Il parait que dans la vie il faut éviter de trop parler et surtout d'emmerder son prochain. Et c'est drôle car c'est aussi ce que l'on dit en France, dans ce pays barbare où on a l'impression que tout le monde y va de son truc à dire systématiquement. Sauf que peut-être c'est un art typiquement français. Qu'il n'y a que les français qui puissent gouter cet art, le savourer, s'en goberger. Autrefois oh ça se passait souvent après le marché dans les bistrots, c'était calé. Maintenant on ne sait plus trop, les bistrots il y en a nettement moins. A la place on a mis des banques, des boites d'assurances, des magasins de fringues en tous genres et surtout pour toutes les bourses. Ce qui fait qu'on évite de causer dans ces lieux là qui ne sont pas du tout fait pour ça. Du coup on cause tout seul au beau milieu de la rue, on cause dans sa tête à toute berzingue, et on s'emmerde à cent sous de l'heure souvent tout seul.|couper{180}

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D’une pierre 7 coups (minimum)

Toujours des relations tumultueuses avec les groupes mais pas autant qu'avec moi-même. C'est pourquoi je m'efforce de temps à autre. Faire au moins une chose difficile par jour disait mon père et de préférence le matin. La participation à une exposition collective. La participation à un atelier d'écriture. Aller voir une exposition. Prendre le métro de Lyon. Aller au cinéma. Déjeuner ou dîner avec des amis. Il y a des jours où c'est possible et d'autres pas du tout. Mon épouse qui tout de même est psychanalyste rit. Et elle n'oublie pas d'ajouter tout un tas de choses que je ne dirai pas ici. Ces choses sont souvent justes. Mais je feins de ne rien entendre car je déteste la psychanalyse sauvage. Quand je paierai on verra je réplique. Donc j'étais parti pour écrire quelque chose d'important et voici que je l'ai déjà presque oublié. C'est dire ce que je pense de l'importance. Si, ça y est , ça me revient. Je voulais parler de l'accumulation impressionnante de signes qui surgissent soudain en moi et autour de moi ( mais n'est-ce pas la même chose ?!) Concernant à nouveau l'importance des protocoles. Enfin retirons importance pour le moment, ça je sais que c'est moi qui l'ajoute pour faire le malin. Encore ce matin avec Jacques Roubaud qui pour sa promenade quotidienne établi un plan. ( je mets en bas de page la vidéo je ne vous la raconte pas) Oui on peut parler d'accumulation car ça arrive de tous les cotés en ce moment. Protocole par-ci, mode d'emploi par là, agenda, emploi du temps et toutes les occurrences possibles en relation avec le fait de ne pas rester les deux pieds dans le même sabot. Occurrences dont je me serais encore fichu il y a de ça moins de six mois. Mais six mois comme la touche finale, la pierre d'achoppement, le dénouement probable d'un processus de toute une vie pas moins. C'est à dire : se dire ce que l'on va faire avant de le faire. Rien de plus bête n'est-ce pas. Oui bien sur, sauf que non. Il ne s'agit pas de se prendre trop au sérieux dans l'élaboration de tels protocoles. Pas plus que trop à la légère non plus. Et c'est là toute la difficulté que je commence à résoudre, ouf. Tenir en équilibre entre gravité et légèreté voilà à mon avis l'essence de ce que je comprends d'une bonne marche à suivre. C'est à dire poser un certain nombre de choses d'actions de projets à faire, mais sans s'y attacher comme un âne bâté, et sans les bâcler comme des corvées non plus. Trouver le bon rythme le bon tempo le bon moud qui aide à traverser ainsi ne serait-ce qu'une seule journée, en passant d'une tâche à une autre, comme un musicien de jazz saute d'une grille à une autre. Ce qui signifie que cette découverte effectuée pour une seule journée, il est possible de la calquer pour toutes les autres de la semaine. Voire même de calquer la semaine. Puis pourquoi pas le mois tout entier. Je ne suis pas ici en train de parler de développement personnel ni de marketing, mais d'une apocalypse totale, absolue. Si on veut bien se rappeler de l'étymologie d'apocalypse évidemment. Ou sinon je ne suis pas contre les appellations "pierre philosophale" " fontaine de jouvence" Ce qui grossièrement se résume pour moi de pouvoir passer d'une activité à une autre sans perdre la plus petite quantité d'énergie. Autrement dit encore : d'une pierre 7 coups puisqu'il y a autant de jours dans la semaine. Bien ceci étant posé reste à remplir la feuille, surtout à réfléchir comme la remplir. Et ce n'est surement pas une mince affaire encore qu'il ne faille ni le prendre trop au sérieux, ni s'en ficher comme de l'an 40. Tout un art quoi. Lien vers la vidéo|couper{180}

D'une pierre 7 coups (minimum)

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Soulagement

Huile sur toile 50x50 ( collection privée) Je ne sais pas, le dire. Le dire à l'autre qui voudrait que tu lui dises quelque chose. Bien sur quoi qui le sait vraiment on ne sait pas. Je ne sais pas s'il fera beau ou pas. Je ne sais pas si demain je viendrai. Je ne sais pas si je t'aime. Je ne sais pas si j'ai envie de sauce. Surmonter l'agacement que ce je ne sais pas provoque lorsqu'il est murmuré. Lorsqu'il est émit entre deux rangées de dents serrées. Dire je ne sais pas le plus paisiblement du monde comme tu dirais oui il fait beau c'est vrai. Quel soulagement tout à coup que l'autre puisse l'entendre.|couper{180}

Soulagement

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Vide-grenier

6h du matin j'accompagne mon épouse à Saint-Clair du Rhône pour installer son stand au vide-greniers. Pendant que je fais la queue devant le parking j'allume la radio, France Culture une émission d'Alain Veinstein, une rediffusion de 2020. L'invité est Bernard Dufour qui a écrit un bouquin. Un journal qu'il a transformé en bouquin. L'homme m'est presque aussitôt antipathique. Ce qui est souvent le signe d'une résonnance avec des éléments personnels qui me sont honteux, intolérables. Il évoque la mort de sa seconde femme décédée d'un cancer. Se plaint qu'il ne puisse plus partager avec elle l'usage d'une vie sexuelle ou érotique, une vie "agitée" en raison de la chimiothérapie. Bien que je puisse tout à fait comprendre les tenants et aboutissants de sa plainte le fait de la rendre publique me gène. Et aussi me renvoie à Paris dans les années 90. De ce que j'avais à l'époque détesté ou refoulé quant à toute une population d'artistes réputés extrêmement fascinés par leur activité sexuelle. En plus c'était pour la plupart de vieux tromblons, ce qui donnait à ce genre de propos un aspect fortement libidineux- forcément dérangeant parce que ridicule- sous couvert de l'Art évidemment. Je repense à ces années, celles de la trentaine et me revient presque aussitôt ce malaise entre la découverte surprenante d'un coté puritain ou pudibond chez moi alors que je ne m'étais jamais gêné jusque là. Ce reflet d'une dépendance à la libido chez les vieux alors que je suis désormais devenu presque vieux aussi. C'est à dire à l'époque la crainte qu'on ne puisse donc jamais s'en défaire, qu'elle serait collée pour toujours à soi, aussi ridicule grotesque que cela puisse paraitre. J'ai écouté un morceau de l'émission, puis arrivé à destination j'ai déchargé les cartons avec mon épouse en laissant tourner le moteur en raison d'un problème de charbons toujours irrésolu. Il faisait froid, c'était encore la nuit. Nous étions garés à la porte C du grand gymnase où j'ai lu sur les murs sur une affiche, qu'une association d'archers existait. L'idée m'a soudain traversé de me renseigner. Toujours eu cette envie de tirer à l'arc. En photographie appuyer sur le bouton pile poil au bon moment m'obsédait. En peinture décocher la touche qui tue, c'est à dire qui sitôt qu'on la pose efface le peintre et fait surgir le tableau. En écriture dire ce que j'ai à dire en allant droit au but et découvrir que j'avais autre chose à dire que ce que je croyais avoir à dire. Puis le retour par la petite route départementale, toujours de nuit, la traversée de villages morts, de rues vides, de grandes étendues de pénombres, les champs alentours. Et enfin l'arrivée au parking à la même place qu'occupait le véhicule avant que nous partions.|couper{180}

Vide-grenier

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Une erreur d’Edouard Levé.

visionné il y a deux jours une vidéo sur la réception d'un bouquin. "Inédits" d'Edouard Levé. Ce que j'en conserve en mémoire tourne en boucle depuis lors. Sorte de tâche de fond. Si tu veux faire un roman tu te plantes. Phrase que je trouve à l'instant même où je l'entends parfaitement exacte vu mes tentatives avortées dans ce domaine. Maintenant ce que j'en comprends est peut-être différent. Comparer ce que l'on comprend, revenir à la source et réfléchir. Comparer à l'intention de celui qui émet cette phrase. A sa vision personnelle de ce qu'est -pour lui- le terme littérature. Et aussi prendre en compte une notoriété, un parcours, des preuves qui l'autorisent à imposer cette vision. Se comparer à cela est une ineptie à priori. Et puis toujours l'idée d'écrire pour le "populaire" que l'écriture soit abordable comme la peinture le serait dans mon esprit. Ou dans ma volonté bizarre parfois qu'elle le soit. Alors que tout compte fait si je regarde assez froidement qui je suis je n'ai pas grand-chose de "populaire" justement. Et donc je me demande si certains ne sont pas tentés d'apparaitre ce qu'ils ne sont pas, c'est à dire vouloir écrire des fictions, des romans pour avoir l'air. Peut-être est-ce un peu ce qui serait reproché à Edouard Levé ici. C'est que n'est pas populaire qui veut seulement l'être. Un London, un Mark Twain, un Dickens, peuvent être classés dans cette catégorie des écrivains populaires. Voire Maupassant, En fait tous les écrivains qui ont écrit des histoires pour gagner de l'argent et se nourrir, Balzac aussi écrivain populaire. Zola sans doute moins, étrangement, à part quelques uns de ses ouvrages les plus connus. Mais ils ont quelque chose de plus que ce qu'on pourrait appeler populaire aujourd'hui. Ils ne prennent pas le peuple pour un ramassis de crétins. Leurs récits si simples sont-ils en apparence, partent d'une pensée souvent profonde, et d'une expérience vécue. Alors que la fiction pour la fiction n'est souvent qu'un jeu d'esprit sans vraiment beaucoup de substance. Je me souviens par exemple avoir mis du temps à lire Calvino autrefois, et bon nombre d'auteurs du même genre—Notamment Borges. Trop intello, trop philosophique, trop ludique. Carver me correspondait beaucoup plus dans le genre populo. Oui mais justement c'est tout le contraire du populo Carver. Sauf qu'il s'appuie sur le réel. Grande différence avec la création de pays étranges, fantastiques, de villes improbables. Donc si tu veux écrire un roman ne cherche pas à écrire un roman. Ecris des textes au jour le jour, appuie toi sur la réalité. Prends des notes, exerce-toi à composer des listes de mots, à prendre une locution et l'épuiser. Travaille le fragment. Et ensuite relève les manches et pose-toi la question de savoir comment assembler tout cela. Grande chance que tu tombes sur un roman déjà écrit sans le savoir. Ou du moins son corps, sa substance, sa trace. Que ça devienne ensuite publiable est une toute autre paire de manche, mais ne pars plus bille en tête à vouloir écrire "un roman". Ne commets plus cette erreur. Et pas la peine pour autant de te rendre vers les olibrius de l'olipo, ni de t'agenouiller devant Perec toute déférence gardée vis à vis de son travail. Reste toi.|couper{180}

Une erreur d'Edouard Levé.

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plaisir d’étaler de la peinture épaisse

Huile sur toile 40x40 Mets de l’huile et mélange bien avec l’ocre jaune fais-le directement avec le,pinceau pas trop gros, mélange tout l’ocre et un peu d’huile jusqu’à ce que cela soit un peu poisseux et ensuite teste sur la toile blanche. Est-ce que le pinceau glisse comme ça te convient. Ah le plaisir d’étaler de la peinture épaisse sans savoir où l’on va. Tu peux couvrir toute la toile avec ce mélange d’huile et d’ocre jaune. Et quand tu seras arrivé au bout, tu attendras PATIEMMENT que la surface soit sèche. Tu iras nettoyer ton pinceau le sourire encore tout frais aux lèvres. Tu pourras même siffloter si ça te chante. Et rêver à un mélange prochain, de l’huile avec du rouge de carmin. Un mélange bien épais encore plus épais que celui de ce jour et tu strieras l’or des ocres avec des raies de sang épais. Tu pourras même, à ce moment ajouter un peu de vert émeraude pour que le rouge devienne presque noir. Ce jour là tu ne sais pas si tu éprouveras le même plaisir. On ne sait jamais si le plaisir revient de la même manière. Peut-être que l’épaisseur de la peinture n’est pas le facteur commun. Que le plaisir est tout à fait ailleurs.|couper{180}

plaisir d'étaler de la peinture épaisse

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apaisement

Details d’une peinture à l’huile que je montrerai plus tard. Pendant que je dispense des conseils à mes élèves ce matin, j’éprouve une sensation étrange d’apaisement. J’utilise le mot apaisement car ce que j’éprouve est différent de la fatigue ordinaire du samedi matin. ou de l’habituelle lassitude de devoir encore travailler le samedi matin à bientôt 63 ans comme je le rumine de façon hebdomadaire. Non pas ce matin. C’est beaucoup plus emmitouflant, même impression que lorsqu’on se glisse sous une couette avec un bon livre. Plus tranquille que de rester bras ballants au milieu de l’atelier la nuit. Tranquille donc, un peu comme j’imagine que l’on puisse éprouver cette sensation au moment de mourir. Lorsque vient le moment d’effectuer un bilan bref sur une vie entière en se disant —j’ai fait ce que j’ai pu—et si je n’ai pas fait ceci ou cela c’est simplement parce que je ne disposais pas de suffisamment d’envie de le faire. Sans regret ni remord,|couper{180}

apaisement

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Viscosité, fluidité

Donc la viscosité et la fluidité sont des adjectifs peu utilisés dans la conversation ordinaire. moi le premier c'est assez rare que je les utilise ce qui en soi ne casse pas trois pattes à un canard, je veux dire que ce n'est pas bien grave. Mais en revanche ce sont des sons qui devraient sortir plus souvent de ma bouche pendant que je dispense des cours de peinture. La viscosité d'une peinture, sa fluidité. Et que ce soit à l'acrylique ou à l'huile sont des mots qui font référence à une sensation de peindre. C'est à dire à ce que l'on éprouve lorsque les poils du pinceau atteignent la surface de la toile, c'est à dire entre ce que l'on imagine et ce qui arrive vraiment. Et à mon humble avis la viscosité comme la fluidité d'une peinture peut jouer en la faveur ou la défaveur de ce processus sans même que l'on en soit conscient. Est-ce que l'on parle facilement de la sensation aujourd'hui dans une conversation ordinaire. non pas trop. En revanche il m'arrive de prétendre vouloir exciter l'attention des élèves sur celle-ci en cours. Pas toujours avec succès. Car s' y intéressent-ils comme je le souhaiterais , surement pas. Donc on tente le coup une fois, dix fois, cent fois, et au bout il peut y avoir une lassitude c'est humain. Et on finit parfois par faire l'impasse, on ne parle plus trop de ces sensations là comme de bien d'autres d'ailleurs. voilà comment on passe de pas trop à plus beaucoup et finalement à plus rien.. Donc il est important de se reprendre ! Une des raisons majeures tient dans la perception que nous avons du temps. c'est qu' il faudrait prendre le temps de parler de toutes ces choses et on ne l'a pas toujours. Ou on se dit que l'on n'a pas le temps. On le cherche mais comme d'habitude on ne le trouve pas. J'essaie en ce moment d'en parler voyez-vous et je découvre que ce n'est plus si simple qu'autrefois je l'imaginais. Donc comment exprimer la sensation que procure la viscosité sans utiliser de mots scientifiques que personne ne comprendra. Donc ne pensez pas à la viscosité du poisson, pas plus qu'à son poisseux ( poisson poisseux ) là n'est pas le sujet. Pensez à la viscosité d'une peinture. Trouvez la viscosité qui vous convient. J'imagine assez facilement qu'elle n'est pas tout à fait la même pour chacun. La viscosité d'une peinture est affaire de gout probablement. La charge du pinceau est plus lourde lorsque la peinture est visqueuse. lorsque le pinceau arrive au contact de la toile il la marque d'une touche épaisse. Pour l'acrylique il faut ajouter des additifs afin de parvenir à la viscosité souhaitée. Sinon on est souvent obligé d'introduire du blanc dans les mélanges. comme on mettrait de l'eau dans son vin. Ce qui n'est pas toujours du meilleur effet surtout quand on veut vraiment exprimer quelque chose. La peinture perd en intensité et on s'égare assez facilement dans les gris colorés, dans la pâleur, le terne, le monotone, l'ennuyeux. Pour la fluidité en revanche c'est assez simple il suffit souvent d'ajouter de l'eau à la peinture acrylique. Sauf qu'on perd en intensité de pigment. boire ou conduire, toujours la même histoire. Concernant la peinture à l'huile c'est différent la viscosité suit un chemin tracé, traditionnel, ancestral, académique. Du maigre au gras par la superposition de couches, d'abord fluides, c'est à dire que la peinture sera diluée dans de la térébenthine, elle s'appliquera avec une brosse rapidement et on pourra la sécher plus rapidement en l'essuyant au besoin. Mais si vous n'avez pas de térébenthine une bouteille de Whyte Spirit ( en français Esprit Blanc ?!) fera tout aussi bien l'affaire et pour bien moins cher. Plus vous avancer dans le travail plus vous rajouter du gras c'est à dire de l'huile de lin. Tout le problème réside dans cette règle en ce qui concerne le visqueux et le fluide. Car pour le confort de peindre il faut trouver le meilleur mélange entre le pigment et l'huile qui ne vous freinera pas lorsque vous vous mettez au travail. Il y a déjà tellement d'éléments susceptibles de faire obstacle. S'en rajouter de supplémentaires uniquement dus à une méconnaissance en matière de viscosité ou de fluidité serait ballot. Donc vous rajouter un peu d'huile à vos pigments et vous testez le mélange. Quand il n'y a plus de frein à votre créativité et que vous trouvez plaisir et joie à peindre c'est que vous venez de découvrir une petite pierre philosophale en matière de peinture. Ensuite les règles étant de plus en plus faites pour être contournées, vous pouvez tout aussi bien démarrer un tableau avec la viscosité qui vous convient, peu de personnes y verront à redire, pas même moi. Maintenant parlons de la fluidité . comment l'expliquer simplement. Sans doute faudra t'il un autre paragraphe pour en décrire le principe. ou un nouveau texte tout simplement. Peut-être plus tard dans la journée, ou un autre jour. Gardez une oreille collée au plancher.|couper{180}

Viscosité, fluidité

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Carnet 10

Lien vers le carnet entier compilation au jour le jour 22h00 Proposition d'exercice : Avec pendant que (Pendant que, tandis que : Ces conjonctions expriment toutes deux qu'une action a lieu dans le même temps qu'une autre ) Donc en apparence une proposition toute simple : on utilise (une fois dans notre vie, comme Édouard Levé une fois dans la sienne), cette préposition –– toute une consigne sur le seul rouage grammatical de la préposition –– pour bâtir ce diptyque, l’opposition dans la même phrase de deux micro-ensembles syntaxiques, sauf que le premier s’applique à une action réellement effectuée, et la seconde ce qui se passe mentalement dans le même temps, la même durée – le long du temps de. "// Avec la bouffe. Pendant que la soupe cuit je rêve d'huitres chaudes. Pendant que je mettais le couvert j'ai pensé à autre chose et donc j'ai oublié les fourchettes. Pendant que la pâte lève j'éplucherais bien des oignons mais je n'en ai pas. Pendant que la pintade dore dans le four j'imagine déjà son goût dans la bouche. Pendant que les pommes de terre à l'eau cuisent je me dis que ce serait chouette d'avoir une boite de thon. Pendant que je les épluche mon esprit dérive soudain sur le hareng. Pendant que j'y suis il faudrait que je fasse vraiment une liste de courses. Pendant que commencerais à remplir ma liste il ne faudrait pas que je me mette à penser à autre chose et de nouveau oublier les oignons, le thon et les harengs. Pendant que j'étais au supermarché j'ai remarqué que les produits du bas des étagères ne sont pas systématiquement les moins chers. Pendant que je poussais sans entrain particulier mon caddy je me disais que c'était un peu con de ne pas engager de conversation avec les gens que je croise. Pendant que j'abordais cette vieille femme pour lui demander comment ça se passait la vie pour elle, je me suis aperçu que j'étais en train de rêver que je faisais mes courses au supermarché. Pendant que j'entrais dans la boulangerie je vis aussitôt qu'il n'y avait plus de baguette tradition je me suis demandé ce que pouvait bien foutre le boulanger pour qu'à 7h le rayon soit déjà vide ou pas encore rempli. Pendant que j'achetais une flute à la place j'avisais les croissants au beurre, mais pas assez de monnaie. Pendant que je travaillais dans cette boite de Montrouge je rêvais de déjeuner au restaurant à l'heure du déjeuner, mais je devais la plupart du temps me contenter d'un sandwich thon ou poulet, et parfois je me faisais une fête d'un gros pain bagnat. Pendant que je faisais la queue à la boulangerie j'imaginais que des gens pouvaient se rencontrer comme ça et même tomber en amour dans l'odeur du pain chaud. Pendant que la boulangère tournait les talons, il y a fort longtemps de ça, je chipais un ou deux bonbons en imaginant qu'elle ne me voit pas. Pendant que je tournai à l'angle des morillons jobbe-Duval je tombai sur ma chère boulangerie d'autrefois mais je n'ai pas voulu entrer trop peur de ne plus la reconnaitre. Pendant que nous dinons assis à la table de la cuisine je la regarde avaler sa soupe, on dirait une bête. Pendant que nous déjeunons ensemble Place des Vosges je me demande qui va payer l'addition lui ou moi. Pendant que j'habitais ce quartier, à la Bastille je rêvais d'habiter un jour à la campagne, parce que le pain est bien meilleur, s'il faut absolument une bonne raison pour vivre à la campagne. Pendant que le week-end des le vendredi soir je me fais une énorme plâtrée de pates que j'imagine ensuite accommoder à toutes les sauces, mais comme j'ai la flemme de ressortir faire les courses pour confectionner les dites sauces je fais avec ce que j'ai, souvent du beurre et de l'ail. Pendant que je mangeais du pain de mie j'ai perdu une dent un jour, on me l'a remplacé mais je fais gaffe à ne plus bouffer de pain de mie désormais. Pendant que je me décidais ce vendredi là à faire des courses avant de monter au septième étage où nous habitions je me demandais si je n'allais pas faire du riz pour changer. // Au travail. Pendant que je lisais mon texte sur l'écran la manageuse passa et me fit signe de sourire. Pendant que la vieille dame me répétait qu'elle était vieille et que les sondages politiques ça ne l'intéressait pas, que d'ailleurs plus grand chose ne l'intéressait plus dans la vie je m'imaginais lui dire vous habitez à quel étage, ouvrez donc la fenêtre et sautez. Pendant que j'étais en train de dire à un vieux con ouvre donc la fenêtre et saute, toujours dans le même boulot , la manageuse a bondi de son siège pour se ruer vers moi, mais ce n'était pas pour m'embrasser, dommage. Pendant que je travaillais dans cette boite j'aurais pu voler tous les jours un stylo bille. Pendant que je travaillais dans cette autre boite j'aurais pu voler des couches par paquet de vingt. Pendant que j'appelais la boite d'intérim pour savoir si j'aurais une autre mission la semaine prochaine, la communication coupa et je ne su jamais ce que l'on me répondit. Pendant que je marchais le long des rails pour rejoindre la gare de Valmondois je rêvais d'un mobylette que j'aurais pu garer par la suite à la gare de Valmondois. Pendant que je rejoins Paris dans le train que je prends tous les jours à Valmondois je m'entraine à tomber amoureux d'une nouvelle passagère chaque jour, mais je ne l'aborde pas et le lendemain j'en choisi une autre. Si par hasard je retombe sur une précédente, je reste indifférent. Pendant que je me grattais le nez en lisant Parlez-moi d'amour de Raymond Carver je découvris en levant les yeux que ma voisine d'en face dans le wagon était une collègue de travail, mais je fis tout pour ne pas la reconnaitre. Pendant que ma voisine d'en face dans le train me faisait du pied, je pestais de l'avoir reconnu et d'avoir engagé la conversation avec elle. Pendant que j''étais dans ce train de nuit pour Venise je fus surpris qu'il n'y ait aucun crime de commis, pas le plus petit assassinat. Pendant que la contrôleuse poinçonne mon ticket je me suis rappelé que ma mère avait fait le même métier. Pendant que le métro entame le virage à la station Bastille je me demande s'il y a encore des pates dans le placard, mais il est tellement tard, plus de possibilité d'en acheter. bon je crois que je comprends le truc. C'est comme en peinture ça s'appelle l'accumulation. ( 19/11/2022) Relations humaines. Pendant qu'elle me parle je fais plus attention au son, au timbre de sa voix, qu'à ce qu'elle me dit vraiment. Pendant qu'elle me houspille mon attention se porte presque aussitôt sur la charmante petite fossette de sa joue, et sur les vibrations hypnotiques crées par sillons mouvants de sa patte d'oie. Pendant qu'elle passe une main dans ses cheveux un autre prénom que le sien surgit soudain. Pendant que nous faisons l'amour avec une sauvagerie presque extrême, je remarque que mon double est assit dans un coin de la chambre et nous observe. Pendant qu'il m'évoque ses voyages j'observe ses mains et constate qu'elles sont petites pour un baroudeur, que ses doigts sont boudinés et que des poils hirsutes, tantôt noirs tantôt blancs tapissent leurs phalanges. Pendant qu'il essaie de me convaincre d'acheter une police d'assurance j'observe ses pieds et découvre que la semelle se décolle légèrement de la tige de sa chaussure gauche. Pendant qu'il me ment effrontément je joue avec mes clefs de voiture. Pendant qu'il le croise dans la rue je prends soin de regarder ailleurs. Pendant qu'elle plie les serviettes qu'elle dépose soigneusement en pile sur un coin de la table de la cuisine, je pense que je n'aurais pas le courage de le faire si j'étais seul. Pendant qu'elle marche près de moi dans la rue j'ai envie de lui prendre la main mais je ne le fais pas. Pendant qu'elle tire sur les ballons colorés du Ball trap j'estime le prix moyen d'une peluche dans un magasin de jouets. Pendant qu'elle s'habille, j'imagine que nous pourrions jouer au loto afin d'avoir une mince chance de gagner le gros lot. Pendant qu'ils sont attablés à discuter de choses et d'autres je pénètre dans la peau du serveur qui apporte les cafés. Pendant qu'ils hurlent vas-y mais vas-y donc assis sur les gradins sur stade je me demande ce que je fiche là. Pendant qu'ils dorment dans le train je suis réveillé. Pendant qu'ils se poussent se pressent se marchent dessus pour se presser les uns contre les autres dans la rame du métro je fais deux pas en arrière et me dis que parfois ça vaut le coup d'être en retard. Pendant qu'ils boivent et fument, se font des œillades, soulèvent des sous-entendu je prévois l'orage pour bientôt. Pendant qu'il pousse son caddy elle flâne dans les rayons en attrapant par-ci, par-là les produits qu'elle jette dans celui-ci. Pendant qu'ils font la queue à la caisse, il pense que le monde entier est un immense supermarché dans lequel tous sont condamnés à faire la queue à des caisses.|couper{180}

Carnet 10

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aller-retour

Rare que dans les gares je paie un aller-retour. L’aspect effrayant du trop pratique. Et puis tellement bordélique je serais capable de perdre le billet. Pourtant l’aller-retour je ne connais que ça. Des voyages incessants animés par le fioul de l’espérance, des retours toujours en pilote automatique. Je paierai demain, je paierai quand il faudra revenir. Je serrerai le billet dans ma poche. En attendant entre l’abstrait et le figuratif, je continue de voyager. Comme s’il fallait que de trop de raison avalée je m’insurge, redevienne idiot ou sauvage, peigne — n’importe quoi. Parce que ce “n’importe quoi” est devenu le socle de ma raison. Huile sur toile 40x50|couper{180}

aller-retour