Hier soir, en rentrant de V., j’ai ouvert Ténèbres en terres froides de Charles Juliet. Ce qui m’a frappé, c’est cette radicalité : une ou deux phrases suffisent à marquer une journée. Une telle économie de mots me trouble, comme une gifle. La veille, je n’avais moi-même écrit qu’une seule phrase. Tout au long de la journée suivante, j’ai senti ce vide me peser, une impression de ne pas avoir écrit vraiment. Alors, le soir, pour compenser, je me suis jeté sur deux longs textes préparés : Peuples fabuleux, Lieux fabuleux. Rien de personnel, seulement des dossiers, de la documentation, de quoi remplir. J’ai cru me satisfaire de ce leurre. Mais en reprenant Juliet, la question s’est imposée : écrit-il vraiment si peu ? Ou bien prélève-t-il ces phrases dans des fleuves d’écriture invisibles ? J’ai senti monter une indignation absurde : si c’était le cas, alors son livre me paraissait mensonger. Cette pensée m’a accompagné dans la nuit, nourrissant des cauchemars dont il ne reste que l’ambiance : solitude, monde sinistre, espace clos où nul autre que moi ne peut ni survivre ni vivre.
15 septembre 2025
