Quelques efforts physiques. Fini de débarrasser la cave : j’y ai remonté huit carcasses d’ordinateur, emballées dans du plastique. J’avais déjà récupéré pas mal de composants — disques durs, mémoire, un ou deux ventilateurs, quelques alimentations. Que faire de ces carcasses ? Les emporter à la déchèterie, certainement. Dire adieu à quelque chose que je ne sais pas définir. Je n’ai pas envie de le définir. Toujours une grande tristesse de jeter tout ça, puis ce drôle de soulagement, physique, d’être allégé d’un poids. Un poids de quoi ? Peu importe.

J’écris pour moi.

Si je me dis que j’écris pour d’autres, ça ne marche pas. Les poses.

Cette horreur de la pose m’est venue d’un seul coup.

La pose, dans tout, m’horripile — bien au-delà du paragraphe, du moment présent.

En même temps il faut poser, faire semblant. Sinon tu n’as pas d’élèves, ils partent. Tu ne peux rien faire sans poser. Pas de révélation argentique sans ce foutu temps de pose.

Ne laisse pas traîner les épreuves trop longtemps dans le fixateur.

Ensuite il y a pose et pose : l’amabilité, le calcul de la bonne distance. Mais quelle énergie ça demande. Plus ça va, moins j’ai envie de dépenser cette énergie. En tout cas pas partout, pas avec n’importe qui. De toute façon mon principal client, c’est moi : j’arrive à me pomper sans vergogne. Le prix à payer : nuits d’insomnie, sensation d’être un singleton perdu dans l’espace intersidéral, surtout celle d’être vieux, faible, vulnérable.

Me dire « ça suffit, relève-toi, bouge » ne me convainc plus. Ça ne m’a jamais convaincu, sans doute. Une sorte de mantra qui ne marche plus. Comme toutes ces choses inventées pour ne pas s’effondrer en pleine rue. Elles ne marchent plus. On tient malgré tout, je ne sais pas comment. Bien en peine de le dire aussi.

Du charabia. Tu pourrais l’effacer, ça ne changerait rien. Il s’est installé, il suce la moelle. N’attends pas d’ordre. Laisse aller le charabia.

Je tiens dans le verbe tenir, replié en lui, transporté en lui, comme dans un ventre.