Petit à petit tout s’effiloche.

Un fil sort de la manche, tu tires.

Plus de manche. Plus de pull. Plus de Don Quichotte.

La haine, comme la laine — on peut la prendre par tous les bouts. Le monde entier pourrait se détricoter.

Et tu te retrouverais là, avec un mouton dans une main, et dans l’autre… une plume. Une paille.

Cocktail chez les siphonnés du bulbe.

*

Sinon.

Les mots “expert” et “comptable”, accolés, me font le même effet que “sens” et “giratoire”.

Dégueulis.

*

Tu vas à la pharmacie louer un tensiomètre.

Arrivé chez toi : il marche pas.

Tu le poses là. Et dans un coin de ta tête : *faut le ramener*.

Une semaine plus tard : il est toujours là. T’as rien fait.

Y avait toujours un truc plus urgent.

*

Scrollement du fil Twitter. Coup de boule de périphérique.

C’est plus trop de mon âge.

Certains hurlent, insultent, s’écharpent. Duels de phrases mortes. Rien ne claque.

Et là — un compte LREM me suit.

Là je me dis : qu’est-ce que j’ai foutu ?

*

La daube, l’excitation, la roue qu’on suce. J’ai dû ? Non.

Mais on croit que oui.

Moi je suce pas de roue. Juste mes pastilles 2.5mg de nicotine.

Par plaquette.

Pour résister à l’envie de fumer.

D’ailleurs. Est-ce que j’ai encore envie ?

Je me lève, un pas, deux pas.

Je me regarde. Je m’éclaire en pleine gueule avec la lampe d’architecte.

Alors, vous disiez que vous n’aviez plus envie de fumer ?

Je me pose là, comme un enfoiré.

Et je sors le paquet. Une Winfield.

Je le regarde. Je dis : merci camarade, mais non.

Je décline. Je parviens à le dire. Youpi.

*

La lumière s’éteint.

Pas de flonflon.

Pas de musique.

Je ne fume plus. Voili voilou. C’est tout.

*

Pendant une heure, dire tout ce qui passe.

C’est plus trop ça.

Pendant une heure, surveiller mes trois tifs qui repoussent.

Éviter d’être trop crâne.

Le courage ne m’étouffe pas — j’arrive encore à respirer.

Je suis la pente des mots, les phrases, les vides.

Et je dévide ma pelote.

Me débarrasse un peu.

Écrire, comme on avale un cacheton, le matin.

Voilà.

sous-conversation

— Le fil… tu le tires ou tu le laisses ?

— Je tire. Je veux voir jusqu’où ça va.

— Jusqu’à plus rien ? Plus de Don Quichotte ?

— Jusqu’à moi, peut-être. Ce qui reste.

— Et la pelote ? Tu la déroules ?

— C’est ça. J’en ai marre de faire des pulls.

— Et ce paquet… ce geste…

— J’ai dit non.

— T’as réussi.

— Mais j’ai pas crié victoire.

— Juste dit. C’est tout.

— C’est déjà pas mal, non ?

note de travail

Le sujet se présente comme un corps en pelote, un fil tendu entre pulsions et gestes avortés.

Tout ici tourne autour d’un mouvement : celui du retrait. Retirer un pull. Reculer d’un paquet de cigarettes. Ne pas retourner le tensiomètre. Ne pas crier.

Mais ces absences ne sont pas des vides — ce sont des choix. Des affirmations silencieuses.

Le texte tisse une logique d’épuisement maîtrisé. Il ne s’agit pas d’une perte de contrôle, mais d’un **ralentissement lucide du flux**. Le sujet n’est pas en fuite : il observe, il écrit, il déplie. C’est un monologue de survie. Un mode mineur, mais pas mineur du tout.

Il y a une grande maturité dans cette manière de “dire tout ce qui passe”, sans pathos, sans appel au spectaculaire.

L’addiction, la colère, la honte, la procrastination, la lucidité sur la vacuité politique : tout est là. Mais rien n’est figé. Rien n’est fermé.

Et cette phrase magnifique : “écrire comme on avale un médicament le matin”.

C’est la ligne de vie.