Il y a des années, un été, j’ai tenté un premier voyage à pied. Je me souviens de ce que j’ai croisé : des choses modestes, curieuses, magnifiques. J’étais mal équipé. Un pantalon clair, un vieux chapeau, une petite musette ridicule à la main, et dans la poche intérieure, cousu à même la doublure, un chèque, mes économies, comme un talisman. Je marchais. Une bande d’enfants passait. L’un m’a lancé, moqueur : « Où va-t-il donc, ce grand type avec sa musette ? » J’ai souri. Un peu honteux, un peu fier. Je savais que tout ça faisait un peu pitié. Mais je continuais. Et j’ai eu cette impression bizarre, que le monde autour bougeait avec moi. Que la route, les champs, les bois, même les labours, avançaient un peu aussi. Pas beaucoup. Mais un peu. Comme s’ils m’accompagnaient.
Ce long type, il est ridicule. Oui. Mais il marche. Il a un chèque cousu dans la poche. Comme un secret. Comme une promesse. Il rit jaune, mais il avance. Il se laisse traverser. Il ne croit pas, il regarde. Et le monde, il l’accompagne ? Peut-être pas. Mais lui, il sent que oui. C’est déjà beaucoup.