Ne plus rien voir, ne plus rien entendre : juste l’élan nu d’aller jusqu’aux limites, les franchir d’un pas sec, sans se retourner. Une pulsion de coupure, avant les mots, pour éprouver si le vide peut tenir lieu de monde.


Cette épidémie de solitude qui frappe l’humanité est sans précédent. Il fallait qu’elle advienne dans une époque marquée par la communication à outrance.


Communiquer ce n’est pas créer une chapelle, une église, encore moins une "religion". à moins que si justement, ce ne soit précisément que cela.


Le bourdonnement d’une mouche je m’éfforce de ne pas l’entendre. Idem pour ce moteur dans le voisinage. Idem pour l’avertissement diffusé par les hauts parleurs, ceux de la gare proche, poussés par le vent. Idem pour tout ce qui rumine en moi, tout au fond de moi. S’efforcer est-il le bon mot, je ne crois pas. Non, j’écris et en même temps que j’écris tout cela je franchis cette frontière. Me voici dans mon propre désert soudain, je m’en rends compte à présent.

Illustration Etat-d’âme-Les-adieux-2-Boccioni , 1911