J’ouvre à nouveau Ténèbres en Terre Froide comme si je grattais une vieille plaie. La douleur vient de cette même difficulté, différente pourtant, que j’éprouvais alors au même âge. Dans d’autres circonstances, certes, mais je reconnais cette volonté, ce besoin vital, de suite contrarié par l’incapacité de l’exprimer. Et aussitôt ces phrases posées, j’ai envie de les biffer : elles me révèlent mon impuissance, ma lâcheté. N’ai-je donc pas assez de recul, un peu de commisération envers nous deux, si semblables à tous les jeunes gens. Comme si tu voulais encore être jeune et t’indigner — mais l’indignation ne rend pas la jeunesse. Quant à la vieillesse que tu nommes ainsi, c’est la même chose, exactement la même chose, sinon rien. Tu refuses de voir trouble, mais c’est ce qui se produit : la vue se brouille, l’entendement aussi, tu deviens brouillon dans la vieillesse comme tu l’étais dans la jeunesse.

De là vient ton refuge dans le concept de brouillon, jusque sur ce site. Tout reste brouillon, en attente d’une mise au propre sans cesse repoussée. Tu te brouilles avec toi-même, puis avec le monde. La brouille déborde : marge, campagne, pavé des villes.

Et voici encore un bloc de texte pour dire peu. Une phrase suffirait, un mot : vulnérable.

Aujourd’hui comme hier, et sans doute demain.


Et ce désir encore, ce désir d’aller plus loin, plus en profondeur, comme si l’insatisfaction se confondait avec la brièveté.


Normalement, c’est à cet instant que tu parles de tout autre chose, pour fuir. Et si tu t’abstenais de le faire aujourd’hui.