juin 2024
Carnets | juin 2024
18 juin 2024
Pour atteindre la cible, ne pas vouloir l’atteindre présente autant de difficultés que de vouloir l’atteindre. Dans le non vouloir le désir se dissimule et c’est lui en quelque sorte la cible à debusquer, celle qui nous detourne de la cible originale. Perte de temps dit une voix. Pas plus que de vouloir en gagner. Mais impression de variété. j’écris un mercredi matin durant une permanence d’exposition. Il n’y a personne à part au rez de chausée les bibliothécaires derriere une paroi de plexiglas. Dehors il fait beau. Je vois le feuillage de grands arbres agités par le vent. C’est vrai qu’il ne fait pas tres chaud je l’avais remarqué ce matin tôt traversant la cour. je viens d’écouter une histoire de boule de cristal sensée être surréaliste mais guère entendu que du silence et quelques propos sous la ceinture datant de 1933. Et, dans le fond, l’écrire ne vaut pas mieux que d’en parler. Je m’éloigne. L’image d’un Bernard l’hermite qui retourne à sa coquille. D’un couteau qui tremble pour s’enfouir sous le sable. Puis, je me souviens. Sur le trajet de la maison jusqu’ici j’ai pensé qu’il pourrait être bénéfique d’en finir une bonne fois avec l’obsession larvée du rangement. j’ai besoin du désordre pour inventer une idée de rangement n’obtempérant pas aux mots d’ordre courants le concernant. J’ai besoin du désordre pour être acculé à force d’ennui, d’agacement, de douleur due à ma propre singularité, pour créer quelque chose que je pourrais alors, à ce moment là, nommer un ordre. Mais ce n’est pas le bon mot, une fois que je l’ai écrit je m’en rends compte, je pense plutôt à une harmonie.|couper{180}
Carnets | juin 2024
17 juin 2024
J’entends que seul on ne peut rien, on ne peut pas lutter, plusieurs fois ces dernières semaines. C’est comme quand tu veux acheter une voiture bleue, tu ne vois plus que des voitures bleues partout. Mais je n’ai pas envie de compagnie, surtout pas en ce moment quand je vois ce que la compagnie peut faire comme dégâts. Si je me suis intéressé à l’alchimie un moment c’est à cause du sentiment très fort que j’avais perçu alors concernant sa nature paradoxale. Le paradoxe est à l’origine sans doute de ce je peux nommer parfois la créativité. Enfin, n’est-ce pas ainsi que fonctionne tout ce qui nous entoure ? le paradoxe c’est un assemblage bizarre, imprévu, de forces qui normalement n’ont rien à se dire. Entendu que normalement est une volonté tout à fait paradoxale de désirer du stable dans le mouvant. Donc je suis seul, c’est un fait. Et plus je suis seul plus je me sens avec tout le monde voilà un second fait. Donc, cela me parait tout à fait saugrenu de courir vers qui que ce soit pour dire par exemple hé tu n’es pas seul je suis là. Totalement saugrenu. Sauf qu’apparemment il n’y a que moi qui pense comme ça. Les autres pensent sans doute autrement qu’ils sont seuls. Et pourquoi chercher ce que signifie autrement dans ce cas puisque je suis déjà dans l’autrement à cent pour cent, qu’on me présente n’importe quel autrement, il ne me sera pas étranger. Je ne suis d’accord avec personne à cent pour cent non plus pour exactement la même raison. Si j’étais d’accord avec un seul ce serait comme mettre un terme à l’infini. Alors il n’y aurait plus aucune possibilité d’éternité, c’en serait fini de tout. J’écris dans le bureau les volets mi-clos, la lumière au delà est presque palpable, mais justement elle l’est beaucoup trop. La chatte vient parfois s’allonger sur la table de l’atelier quand je peins, elle me regarde les yeux mi-clos, deux solitudes peuvent ainsi se tenir en respect. Les gens, c’est à dire toi et moi, pensent souvent que les couleurs vives sont synonymes de gaieté , c’est bien possible, mais je préfère penser que ce sont seulement des couleurs vives sinon je pourrais vite songer qu’elles sont aussi synonyme d’une douleur insupportable, paradoxalement.|couper{180}
Carnets | juin 2024
16 juin 2024
L’hideux gravit l’échelle en parallèle de la grâce. Deux pompiers au sommet de la grande échelle prêts à bondir à l’intérieur de l’immeuble en flammes. L’un est noir, l’autre blanc, grand mouvement, pétarades, explosions, fumées, le gris en ressort lapin d’un chapeau de monsieur bien sous tout rapport. La boue guette. Et, en même temps, inutile de s’en effrayer par avance. La catastrophe est-elle indispensable pour jauger juste le gris ? À quel prix resterions-nous dépourvus d’œil, de discernement ? Le gris octroie un corps, une raison d’être, ne serait-ce que celle de désirer sauter par-dessus, bientôt le feu de la Saint-Jean. Il y a ces petits bâtonnets, ils ressemblent à des bâtons d’encens, ils ont la couleur du ciment. Est battu le briquet, le bout rougit puis crépite. Feu d’artifice portatif que l’on plante sur les gâteaux de mariage, d’anniversaire. Cela fait belle lurette que je n’en avais pas vu et soudain cette image revient. Peut-être parce que j’ai allumé un bâton d’encens dans l’atelier, peut-être parce que bientôt ce sera notre anniversaire de mariage. La lumière n’est plus aussi douce. Et pourtant c’est encore une lumière. La lumière. Les voiles, les poussières, les rayures seuls responsables d’une crudité nouvelle. Hier encore, après l’opération de la cataracte, j’eus la sensation de voir clair dans ce petit jeu. Puis l’œil droit se mit à larmoyer encore et encore, jusqu’à une nouvelle intervention d’expert au laser. On est tranquille pendant quelques mois, et voilà que l’œil larmoie de nouveau. On se dit qu’il faut donc prévoir un calendrier des ajustements cristallins comme prévoir tout le reste. Pour le moment, je reste encore rétif à ce genre d’emploi du temps, prévoir le pire, prévoir le désagréable. La cervelle n’est-elle pas faite comme ça, pour prévoir ? Si j’y croyais, résider dans l’infini du présent. Quitte à retrouver l’ennui autrement. Peindre des choses dites de nature est si tentant. E.N., chassé de la scène artistique nazie par Z., se retrouve soudain à Seebüll, il ne fait plus guère que des aquarelles, merveilleuses. L’hideux et la grâce redescendent des grandes échelles ainsi peut-être. On peut aussi croire que tout ça n’est que farce. À cela aussi, il convient de résister.|couper{180}
Carnets | juin 2024
15 juin 2024
Il faut trouver autre chose à dire que tout ce qui a déjà été dit mille fois. Ou autrement car l’histoire bégaie et ce bégaiement est agaçant.. C’est comme si on replongeait dans la boue d’où nous venons comme on plonge un biscuit dans du chocolat chaud, dans un four, le nappage est un passe-temps. Alors réécrire encore toute la douleur, toute l’ignominie, la bêtise, l’effroi, cela semble tellement redondant. Si redondant qu’on a envie d’être créatif pour en sortir. L’ennui n’est pas seulement des champs et des collines, de la platitude des plaines labourées, des ciels bas, des vents tièdes qui nous traversent. L’ennui est de la répétition dont on se rend soudain compte immédiatement quand elle surgit. Il faut faire face. S’asseoir au lieu de courir. Ralentir encore plus. Inutile de courir dans un rêve un cauchemar, parfaitement inutile. Faire face à cette inutilité là aussi. Commencé une grande toile mardi, c’est à dire hier. Je reste résolument dans les couleurs vives, à étudier l’intensité des jaunes le plus longtemps que je peux avant que le rouge ne les grignote, puis le violet. Et quand bien même je peux refaire du blanc, ou encore frotter avec une éponge pour retrouver le blanc de la toile. Écouté la voix éraillée de G.D. Toute une époque défile. le mot résistance résiste à l’érosion. Résister aussi est à revoir. Depuis près d’un mois les tableaux de Z.M me hantent à nouveau. D’autant je crois qu’ils se superposent à ceux de W.V. On assiste à une répétition, au bégaiement en premier lieu interloqué, impuissant. On cherche ses marques, ses repères, on se dit oh non c’est pas vrai tout va encore recommencer je n’y crois pas. Il faut y croire. Traverser cette hésitation sans ciller, et rejoindre toutes les cohortes disparues, le mirage des maquis. Et de quoi te plains tu une voix dit. Mais juste au moment ou j’allais dessiner les branches du figuier de la cour, juste au moment où l’émotion me vient d’un presque rien, quelle ironie. Soudain je me sentirais poussé, inspiré par l’histoire, est-ce que je vais y croire ?|couper{180}
Carnets | juin 2024
14 juin 2024
Voilà, il est l’inexorable, et que faire contre lui, ce taureau qui nous fonce droit dessus dans l’arène alors que je n’ai pas demandé à être dans l’arène. Même pas sur les gradins. Je regarde son visage et j’en vois soudain mille, légion disait-on autrefois pour désigner l’innombrable. C’est à dire aller maintenant un quasi 50 pour cent. Fin des démocraties, effondrement des rêves, ils veulent de l’ordre ils vont être servis. Combien de temps cela dure ensuite, on ne le sait pas. Il faut rejoindre un maquis, en pleine lumière trouver sa fissure, son trou, et travailler d’autant à s’enfoncer encore plus loin. Les dormeurs infatigables remuent parfois dans leur sommeil, font-ils des rêves des cauchemars ? qu’est-ce qui les agite quelques instants, juste avant l’inexorable ? A moins que nous nous trompions encore quant à l’inexorable comme sur la mort, la vie. Seulement hier que je m’aperçois que W. m’a laissé un message pour venir au vernissage. J’étais obligé une fois arrivé à S. de revenir sur mes pas. De refaire le trajet. Il pleuviotait. Je n’avais pas pris la publicité, les cartes de visite, les imprimés de stages, et je ne sais quoi encore. S. était fâchée. Bon j’ai dit je retourne. Difficile de se garer. Et puis de loin j’avais vu cette femme qui se tenait devant notre porte. j’avais perçu son insistance de loin. Elle a oublié qu’on ne fait pas cours ce matin. J’avais tourné pour trouver une place. j’étais presque content de n’en pas trouver. Cela m’évitait d’avoir à parler, expliquer encore le pourquoi du comment. Je suis gentil mais j’ai mes limites. Voilà, c’est ce mot qui revient lancine encore, la limite. Bref, j’ai pris le pochon de papier avec la réclame, et j’ai oublié mon sac dans lequel le portable ; Et W. a téléphoné et ne pouvais ni le savoir ni lui répondre. Et durant le vernissage je me souviens très bien avoir songé que ce serait bien que W. vienne, j’avais noté qu’il n’était pas là, j’espérais un peu, et puis je me suis dit aussi, qu’il avait bien autre chose à faire, un peintre comme lui à venir voir les barbouillages d’un peintre comme moi. Et hier après avoir rechargé le portable je vois un message vocal s’afficher sur l’écran. j’écoute. c’est W. mais comme nous sommes mardi et qu’il a appelé samedi dernier, je me dis zut zut zut. Je me dis qu’il y a des rencontres, des rendez vous manqués, et bien sûr je n’appelle pas, pas maintenant, j’ai autre chose à faire bien sûr. voilà exactement comment les choses se passent, un événement formidable ou effroyable advient, et on se dit pas maintenant, j’ai certainement autre chose à faire. bon, je cherche une image pour illustrer ce billet et je tape son nom, et sur quoi je tombe, paf ! incroyable, merveilleux, mais si j’écris tout cela personne ne me croira jamais.|couper{180}
Carnets | juin 2024
13 juin 2024
Je perds de la distance. L’emploi du temps, peut-être parce qu’il n’est qu’employé, pèse sur les nerfs. En notant les dates de réception des classes à la médiathèque sur l’agenda, j’ai peur de me tromper. Je déteste écrire ces événements, je fais souvent des erreurs : orthographe des mots, horaires, ou même le mauvais jour. J’ai toujours été ainsi. Mon cahier de textes, de la maternelle au collège, était toujours en désordre. Une résistance futile à tout calendrier, tout emploi du temps. Les marges étaient criblées de gribouillis, envahissant la page et les tâches à faire. Ces gribouillis, ce désordre, cette maladresse, étaient mes armes de résistance enfantine, mais si vaines face à l’Organisation scolaire. J’explique encore trop, beaucoup trop. Hier, lors du discours, je parvins à ne dire presque rien en public, laissant la place au maire et à mes deux collègues peintres. Le ridicule de tout discours se répand dans ma cervelle, comme une gangrène. Sans doute parce que je ne cesse de discourir avec moi-même, en prenant tout le dérisoire de plein fouet. C’est bien de ma faute. Pourquoi chercher toujours au-delà des limites ? Dimanche tout entier consacré au stage sur le monotype, je n’ai pas préparé grand chose. Tant de faire le point avant qu’ils n’arrivent … me dépêche d’aller voter avant que ce ne soit l’heure. Encore un peu de temps. Ce gâchis de papier. Pas voulu y participer. Pris mon bulletin et l’ai fourré dans l’enveloppe avant même d’atteindre l’isoloir. A voté. Belle journée. Je crois que c’est Louise Bourgeois qui aura donné le top de départ. Ses monotypes ont séduit le groupe. Pour le reste le hasard, les morceaux de plastique que j’avais découpés à la hâte, les ardoises que j’ai retrouvées soudain sur une étagère de la remise, et le bloc de papier aquarelle aura fait tout le reste. Nous avons fini les restes du vernissage de la veille. La dernière heure le prétexte d’un goûter parachève la journée. Tout le monde est épuisé. Découverte de M. que G. a conviée. P. quant à lui allait partir encore sans payer, mais je l’ai gentiment retenu par l’épaule. Je n’ai fait aucune photographie des œuvres réalisées, je pense au mot résistance.|couper{180}
Carnets | juin 2024
12 juin 2024
Je sens toujours en moi-même la présence de cet enfant que je suis resté, un rappel constant de la pureté et de la vulnérabilité de l’enfance. Je crois profondément que cet enfant reste vivant en chacun de nous, qui demeure une part essentielle de notre humanité. Aussi, quand les adultes sont décevants, qu’ils repoussent la poésie, la rêverie et la délicatesse au profit d’un pragmatisme inhumain, je cherche désespérément dans leur regard l’enfant qu’ils furent, qu’ils sont encore, enfin, je l’espère. Cette quête est ma manière de pardonner, de comprendre, et de maintenir une connexion authentique malgré la froideur et la rigidité apparentes du monde adulte. Peut-être aussi que chercher l’enfant chez les autres est une façon de dédramatiser les situations, de retrouver cette légèreté que nous avions enfants, lorsque nous nous inventions des jeux, sans gravité, sans que les conséquences ne soient trop graves. En revoyant cet enfant, j’espère redonner une part de cette innocence et de cette capacité à rêver, à voir au-delà des pragmatismes inhumains qui nous étouffent. Cela m’a souvent aidé à surmonter des situations difficiles, à les rendre plus légères et supportables. En abordant les interactions avec cette perspective, je trouve que je peux créer des liens plus authentiques et plus bienveillants, malgré les déceptions et les incompréhensions qui surviennent inévitablement. J’ai en horreur le drame, la tragédie, surtout la violence qu’elles manifestent, quand elle n’est pas tout simplement ridicule, le signal des conflits d’intérêt ou de pouvoir. Peut-être ai-je une vision naïve de ce que fut ma propre enfance. N’y avait-il pas tout autant de cruauté dans la cour de récréation, tout compte fait ? N’étais-je pas battu comme plâtre sous mon toit ? Mais il me semble que nous étions plus proches d’un mystère, d’espérances encore vives, qui s’évanouirent peu à peu à l’âge adulte. Cette absence d’appétence du drame me pousse à chercher des solutions pacifiques et à éviter les confrontations stériles, à voir le bon quand ce n’est pas le meilleur, en chacun, et à espérer que cet enfant intérieur puisse guérir les blessures infligées par le monde adulte. Je n’ai pas eu l’occasion d’endosser le rôle de père, je ne suis pas passé par ce qui semble être l’initiation majeure chez les adultes. Je ne sais pas prendre les poses qui s’imposent dans un tel cas, faire cas de la collection apparemment inouïe de responsabilités qui incombe à la parentalité. Peut-être que cette absence m’a permis de conserver une vision plus pure, sans doute naïve, moins marquée par les contraintes et les responsabilités de la vie d’adulte. Ou encore pourquoi pas et j’en ai parfois des sueurs froides, une vision tarée, totalement erronée. En tous cas et c’est mon explication, cela m’a permis de rester connecté à cet enfant intérieur, de ne pas sombrer totalement dans le pragmatisme inhumain que je déteste tant. Et maintenant quelque chose pousse intérieurement, il faut que ça sorte. Ne servent-elles pas à cela, les femmes, pour de nombreux hommes ? À leur fournir ( à eux) une preuve d’existence au monde, comme si cette validation était une condition nécessaire pour affirmer leur propre valeur. J’ai souvent observé cette dynamique, où des hommes cherchent à se construire sur le dos des femmes, après avoir été éjectés de leur ventre. C’est plus simple si on mélange la loi avec les sentiments, l’amour. Mais quel amour ? Cela dépend de la nature de cet amour, bien sûr.|couper{180}
Carnets | juin 2024
11 juin 2024
Lire, relire et relire encore. A chaque relecture on découvrira de nouvelles béances. De nouvelles galeries. De nouvelles pistes. C’est un labyrinthe qui n’en finit pas. Si l’écriture a pour fonction première d’abolir la distance et le temps, le lieu où elle mène c’est bien un non-lieu, une intemporalité. La mort , l’idée que je m’en fait, ne se définit pas différemment. Une absence si pleine de toute part qu’elle ne peut plus être autre chose qu’une présence à elle-même. Peut-être que je suis en train de redéfinir un enfer, le paradis nécessitant l’autre, l’altérité sans quoi aucun délice ne paraît accessible. Le terme de non lieu proche aussi d’un verdict de tribunal, le non lieu nous dédouane. En même temps qu’il n’y a plus lieu, ni de se réjouir ni de s’enquérir d’une suite, un acte a été commis dans le temps, jugé, puis qualifié de non lieu, ce qui signifie qu’il est comme biffé des registres, des annales de tous les lieux comme de tout temps. Du regard de tous les autres. Le mouvement de recul face à la tombe, pour ne pas chuter, hypnotisé par l’obscurité inquiétante, est dû à une forme d’attraction qui, au fond de moi, reste tapie. Comme si à chaque fois que je me retrouvais ainsi, en périphérie de la moindre excavation, d’un trou, d’une fosse, certains atomes, électrons, et la profusion gigantesque de vide qui les assemble, je l’imagine, devenait soudain la part la plus vive du moment présent. J’invente encore une autre manière d’aborder le journal en préparant à l’avance des embryons de texte, parfois un paragraphe ou deux, à partir d’un mot, une phrase qui subsiste à l’oubli. Je note ces bribes sur l’application notes de l’iPhone. Cela peut bien se produire n’importe où, comme si le monde était rien de plus ou de moins qu’un livre que j’annote. Je remarque une accélération de cette pratique ces derniers temps. Comme si parfois jeté sur une berge comme un poisson péché, je me démenai soudain , tressaute tant et si bien que la manifestation du toucher de l’eau, la victoire, ( comme dans ô vie quelle est ta victoire ) devient note. Prendre conscience d’être vivant vraiment est un choc. Le cabinet dentaire est à quelques centaines de mètres de la maison. Heureusement surpris par la propreté des lieux, des locaux refaits à neuf. Et quel accueil, un sourire comme cela devient rare de nos jours, on s’enquiert, on prend son temps sans le gâcher non plus. Allez donc remplir le formulaire dans la salle d’attente. L’homme masqué doit être jeune, la trentaine, il a une voix douce, il me questionne sans être intrusif, ouvrez la bouche, j’ai l’habitude vous inquiétez pas, et durant toute l’opération il chantonne sur le rythme d’une chanson qui n’a aucun lien visiblement avec la station de radio qui joue dans tout l’immeuble. Je ressors en titubant, grand soleil, chaud, trop chaud, je marche côté ombre pour rejoindre mes pénates. La douleur s’est absentée, on se sentirait presque démuni.|couper{180}
Carnets | juin 2024
10 juin 2024
J’ai interrompu de scanner mes négatifs. Comme si l’insignifiance m’avait soudain sauté aux yeux. Je n’ai rien fait d’autre que de semer un peu plus de désordre à l’intérieur de mon disque dur, créant des dossiers, des sous-dossiers. Utilisant des scripts Python pour retailler les images originales, naviguant entre input et output. L’opération est en suspens suite à un problème de réseau que j’ai voulu solutionner. J’ai perdu, au redémarrage de la machine, l’icône réseau témoignant du bon fonctionnement de la connexion internet. Étrangement, après avoir inscrit trois phrases sibyllines en ligne de commande : sudo ip link set enp7s0 down sudo ip link set enp7s0 up sudo dhclient enp7s0 j’ai réussi à récupérer l’accès au monde numérique, tout en ne retrouvant pas cette icône. La fonction nm-applet ne fonctionne pas pour une raison qui demeure inconnue. J’ai beau tenter d’effectuer une mise à jour, de réinstaller le bureau de Gnome, rien à faire. J’ai décidé de revenir à une version antérieure du pilote de la carte réseau. Pour l’instant, j’écris dans une sorte de no man’s land, n’osant pas redémarrer la machine après cette modification majeure. Une association m’a contacté pour donner des cours l’année prochaine, plus proche de chez moi. J’ai dit oui, l’opportunité étant étonnante juste après avoir démissionné d’I. En revanche les horaires seront de 18 à 21 h, à suivre. Je vois comment je traîne, je repousse le moment, aussi bien pour peindre que pour me relire. Je m’évade ainsi de la sensation d’être pris en tenaille en écrivant ici dans ce carnet. Comme si la régularité de l’acte, le tempo suffisaient à panser les plaies béantes que je ne veux pas voir. Cette indigence apparaît une fois que toute l’esbroufe, la comédie, le drame, tout ce que l’on déploie pour paraître, fût-ce à soi seul, s’est évanoui. Alors se tenir là devant, affronter comme je peux ou comme je ne le peux pas, justement, cette béance. Et tenir en respect toute la foule me traitant d’imbécile, de crétin chronique en leur souriant comme un idiot, penaud en apparence ou en réalité, dilemme encore où l’on se trouve mis en demeure de bien vouloir choisir.|couper{180}
Carnets | juin 2024
09 juin 2024
Nouvel accrochage, à la médiathèque de S. Arrivé quelques minutes à l’avance, X. arrive presque en même temps. Puis A. surgit du coin de la rue, on s’embrasse. Toujours cet air faussement austère. Elle s’excuse, ils ont commandé de nouvelles cimaises mais pas encore reçues. Nous refaisons encore une fois le tour du propriétaire. La grande salle au rez de chaussée sera pour X. Celle aux murs rouges pour G. et je me contenterai d’une antichambre au haut de l’escalier. Tiens ils n’ont toujours par réparé ce problème de lumière. Je prends cela comme ça vient, mes toiles sont faites pour être exposées sans tenir compte des éclairages. Elles luisent d’une manière interne. Bien sûr. L’idée ne serait pas d’écrire une chronique par le menu, la description, la relation des faits et gestes. Mais plutôt de ne recueillir que quelques éléments suffisamment épars, ceux-là mêmes qui comptent vraiment, auxquels dans l’action on ne prête que peu d’attention, celle-ci étant mobilisée par je ne sais quel essentiel. La chaleur intense vers 17h me fait traverser la rue pour rejoindre l’ombre astringente d’un catalpa. M. la compagne de G. fume. Elle sort souvent pour fumer. j’hume l’odeur de la cigarette en m’interrogeant sur son effet. Rien, c’est juste une odeur de cigarette. J’observe ma maladresse à verser le café avec ce genre de bol habituel dans de gros gobelets de carton. On ne trouve pas le sucre. Nous nous asseyons pour regarder les toiles que X a déposées au pied des murs, l’aidons, l’encourageons, puis vaquons à notre propre installation. Moment de silence où chacun se retrouve seul avec ses œuvres. A quoi je pense, à pas grand chose. Que l’ensemble tienne la route. S. et moi avons tout préparé, les listes, les bio, les cartels, j’ouvre la pochette jaune dans laquelle tout est remisé, j’ai apporté la moitié d’une plaquette de pâte collante, amplement suffisant pour une vingtaine de toiles. Les petits carré de Patafix semblent pouvoir se scinder à l’infini. De retour à la maison S. n’est pas encore revenue de chez sa mère. Je dépose un doliprane dans un verre pour calmer la rage de dent qui revient lancinante. De retour devant mon écran je m’aperçois que la connexion réseau est tombée, que je n’ai plus d’accès à internet. Je farfouille sur mon iPhone dans les forum Ubuntu pour retrouver les commandes du terminal me permettant de rétablir la liaison avec le monde. Je m’arrète pensif en réfléchissant à ce que je nomme liaison avec le monde. A noter, la splendeur du grand tilleul vu à la fenêtre de la salle de cours. Des vers tendres et des verts profonds, une spirale, un vortex dans quoi j’aurais volontiers disparu corps et âme, vers 19 heures. A noter aussi, le lendemain un arbre encore plus majestueux sur le parking S. Même émotion vivre, sensation d’être attiré par l’imposante présence d’un être. C’est un tilleul aussi après avoir repris mes esprits. Ce sont des sensations très anciennes qui remontent à la surface, renversant toute notion d’âge, de distance, des chocs émotionnels pour ne pas dire esthétiques, esthétique étant, je crois, un mot banni, avec tout le pédantesque qui l’accompagne généralement. Et il n’est pas rare que, ne désirant pas l’être et le refusant plus ou moins énergiquement, on soit victime d’un effet de bord de la pédanterie même.|couper{180}
Carnets | juin 2024
08 juin 2024
Ce lundi 3 juin, lors de mes trajets aller et retour vers C, j’écoute attentivement deux émissions où Pierre B. intervient. Les nuances de son discours captent mon intérêt ; je prends des notes que je prévois de développer pour une publication prévue le 8 juin. Les réflexions de Pierre B. me ramènent à la figure de Pierre D., un camarade d’enfance de Villevendret. Malgré une différence d’âge notable, Pierre D., encore adolescent dans mes souvenirs, partageait avec Pierre B. une résilience remarquable, avançant avec une méthode et une prudence qui façonnaient leur approche de la vie. Dans le hameau où j’ai sporadiquement passé mes étés, et où Pierre D. a vécu depuis sa naissance, la monotonie et l’isolement dominaient. Toutefois, ce cadre, aussi austère soit-il, possédait une singularité qui stimulait, à sa manière, une sensibilité particulière, propice à l’émergence d’émotions intenses typiques de l’adolescence. Les gens de ce lieu, principalement des agriculteurs, ne semblaient ni capables ni désireux de s’exprimer par des mots. Face à mes questionnements souvent silencieux, ils répondaient par des silences encore plus lourds, presque dévastateurs. Je trouvais alors refuge dans l’observation de leurs visages, cherchant des indices avec la minutie d’un linguiste étudiant une langue obscure. Avec le temps, j’ai développé un dictionnaire personnel, traduisant leur gestuelle et leurs expressions en une langue que seul mon imagination peut comprendre et utiliser. Aujourd’hui, loin de Villevendret, je vis dans un autre bourg une autre région de France tout aussi sinistrée, l’Isère, où la vie rurale bat un rythme à la fois semblable et différent. Chaque semaine, je prends la route pour donner des cours de peinture à un groupe d’adultes. Ces trajets sont rythmés par des émissions littéraires qui m’accompagnent. Depuis toutes ces années j’ai toujours le sentiment d’être ignorant, d’avoir des siècles de culture à rattraper. L’ennui et la merveille de mon enfance dans ce hameau isolé me semblent désormais être les fondations sur lesquelles j’ai construis mon parcours d’enseignant et de peintre. Ils sont pour moi ce qui me pousse à explorer encore et toujours, à me nourrir du dialogue entre le territoire, le passé, le présent et l’infini des savoirs que je cherche à rattraper. Bientôt les élections européennes et mon premier réflexe fut de m’abstenir de me rendre aux urnes. Puis finalement il est tout à fait possible que j’y aille, que je place un bulletin blanc pour bien marquer symboliquement l’écart que j’éprouve avec toute cette réclame politicarde. Eu égard au fait que le capitalisme puis la mondialisation on déjà rendu muettes des parties entières de nos régions, que par leur intermédiaire, les révolutions les luttes, les guerres ont épuisé les êtres qui désormais vivent leur quotidien d’une façon blasée, comme déconnectée de l’effervescence des grandes villes. D’ailleurs les grandes villes n’offrent plus guère d’attrait même au citadin de fortune que je fus, aucun intérêt à me promener dans des ruines, à contempler les enseignes de banques, des agences immobilières, ou d’assurances, des grands magasins vendant du vêtement, de l’uniforme. En me garant sur le parking, le feuillage des arbres était d’un magnifique vert tendre, j’eu l’impression fugace associée au vif plaisir de me reconnecter avec la nature quelques instants, à renouer un dialogue interrompu depuis bien longtemps.|couper{180}
Carnets | juin 2024
07 juin 2024
( Exercice sur la nouvelle, sorte de marche d’approche détournée à partir de textes reçus de Gabriel Obiégly « Sans valeur » et Gilles Clément, « Traité d’art involontaire ») Si j’étais collectionneur, je crois que je m’entourerais de choses sans valeur, de choses dont la plupart des gens ne veulent plus. Si j’étais collectionneur, je considérerais cela comme une sorte de maladie étrange. Il faudrait bien que je découvre un remède, une ressource à prix modique me permettant de pallier ce besoin. Est-ce que collectionner fait partie des besoins naturels d’un être humain ? Est-ce aussi important que manger, boire, dormir ? N’est-ce pas une façon, comme tant d’autres, de tenter d’esquiver l’ennui, l’idée de la mort ? Quand j’y réfléchis, je suis plus quelqu’un qui amasse plutôt qu’un collectionneur. Ce qui différencie l’amas de la collection est probablement cette bifurcation que l’on découvre entre choisir avec conscience — peut-être l’héritage d’une manière, d’un goût — et l’action d’une force centripète des choses qui nous choisissent comme centre. Et probablement aussi le degré de surprise qu’on éprouve tout à coup à se sentir cerné par la puissance inconsciente de l’amas, loin de la satisfaction du collectionneur ébaubi par l’étalage de ses trophées. Je pourrais diviser le monde de la même façon, je crois. Ceux qui collectionnent et ceux qui amassent, tout comme on peut distinguer les gloutons des gourmets. J’ai longtemps cru appartenir à la catégorie des gourmets. Mais c’était une erreur de jeunesse, liée directement à la sensation de manque, à la sublimation qui remplace celle-ci par dépit. D’ailleurs, tout bien pesé, l’illusion ne passa pas la quarantaine. Aussitôt les festivités achevées sur le seuil de cette décennie neuve, une fringale inconsidérée me stupéfia. Je compris avec tristesse que j’appartenais désormais à la foule des gloutons, des affamés navrants tentant comme ils le pouvaient de remplir une béance existentielle. J’ai souvent observé qu’un manque de caractère — appelons cela de la faiblesse, de la lâcheté — m’obligeait à m’en remettre à la facilité d’amasser à peu près tout et n’importe quoi, pourvu que cela n’exige de moi qu’un minimum de contrainte et d’effort. Par exemple, le lendemain de ma rupture avec M., expulsé du cocon familial dans lequel je m’étais réfugié, m’étant assimilé par capillarité à la catégorie des esthètes, outrecuidant de suffisance et de vanité, je me retrouvai dans la rue, en quête d’un trou à rat pour me prémunir des intempéries. Je jetai alors mon dévolu sur le premier gourbi que ma bourse plate me permettait de briguer, m’enfermai à triple tour à l’intérieur et commençai à amasser quantité de griefs contre moi-même. Une nuit, victime de l’insomnie, alors que je regardais par la fenêtre, je vis dans la rue des quantités de cartons, des piles de journaux promis au passage matinal des éboueurs. Poussé par une intuition bizarre, je dévalai alors l’escalier pour aller en récupérer le plus possible afin de les rapporter dans ma cellule. C’est alors qu’avec un peu de farine et d’eau, je confectionnai un gruau, et je me mis à fabriquer dans une fébrilité inconnue de moi-même encore, quantité de masques, de personnages. Je ne pensai à rien, mes mains semblaient animées par une volonté que je ne leur connaissais pas, une nécessité nouvelle. Au bout de quelques jours, la transe s’acheva d’un coup et je me retrouvai entouré d’une foule de personnages insolites en papier mâché. Combien de mois, d’années suis-je resté ici, dans cette chambre de quatre par quatre à amasser des idées noires ? Je ne m’en souviens plus vraiment. Ce dont je me souviens, en revanche, c’est du bruit que font les bêtes courant sur le papier peint dans la pénombre la nuit. Les cafards provenant d’une épicerie en bas de mon immeuble traversaient les planchers, gravissaient les étages, envahissaient les parois des murs. Lorsque j’appuyais sur l’interrupteur de la lampe de chevet près de la tête du lit, la lumière les surprenait et ils s’immobilisaient. Je ne voyais alors que le mouvement presque imperceptible de leurs antennes au-dessus de leurs yeux noirs et vides. Je compris peu à peu que c’était probablement la farine, liant essentiel de mes œuvres dérisoires, qui les avait attirés là. Le lendemain, je fourrai tout pèle-mêle dans de grands sacs poubelles puis les ramenai à leur lieu d’origine. Après avoir vidé ma chambre de ces créatures de papier, une nouvelle obsession me saisit. Cette fois, ce n’était pas les objets mais les mots qui s’amoncelaient autour de moi. Je commençai à écrire, chaque jour, sans relâche. Des pensées, des réflexions, des souvenirs. Les pages s’accumulaient, couvertes d’encre noire, envahissant peu à peu ma table de travail dans un désordre extraordinaire. Le bruit des cafards fut remplacé par le grattement incessant de ma plume sur le papier. Au bout de quelques mois, les feuilles volantes formaient des piles instables, menaçant de s’effondrer à tout moment. Chaque page était une tentative désespérée de capturer l’éphémère, de donner un sens à cette existence chaotique. Pourtant, malgré l’apparente futilité de mon entreprise, je continuais. Écrire était devenu une nécessité, un exutoire pour cette énergie intérieure que je ne pouvais contenir autrement. Chaque fois que je relisais mes textes, le vide qu’ils tentaient de dissimuler provoquait de la déception, du dégoût. Je ne voyais là qu’une accumulation de plaintes, de colère, de malheurs, de récriminations souvent de mauvaise foi que je cherchais à répandre dans l’encre et le papier. En toute objectivité, un beau gâchis. J’accumulais encore plus de rancœur contre le monde ou moi-même, en ces lieux où je pense les avoir par négligence confondus. C’est alors que je rencontrai L., une femme dont je ne pourrais autrement qualifier le caractère que par les mots « franche » et « pragmatique ». Elle sut me montrer l’étendue de ma gaminerie et, en m’extirpant du néant, j’eus l’impression de naître au monde une seconde fois. L. avait toujours un projet sur le feu. Elle était capable d’en entretenir la flamme durant des mois, jusqu’à la réalisation de celui-ci. Nous nous mîmes à collectionner les voyages dans toutes les capitales d’Europe, nous fîmes des photographies, nous achetâmes des magnets que nous collions comme des trophées émouvants sur la porte du réfrigérateur. Bien sûr, j’avais déménagé de ma chambre, et j’avais l’impression que le cauchemar qui avait duré tant de mois s’était évanoui, comme s’évanouissent l’été les sales souvenirs d’un trop long hiver. Notre relation dura une dizaine d’années, puis l’ennui revint. Bien sûr, j’avais fait des efforts, je m’étais raisonné, j’avais brûlé une quantité inimaginable de textes, de carnets. Je me souviens qu’à cette époque, L. m’y avait silencieusement encouragé. Ou bien il me fallait encore une fois expérimenter la notion terrifiante du choix. C’était l’heure de choisir entre la lamentation perpétuelle que nous associons à l’écriture et une vie tranquille remplie de projets, de capitales à visiter, jusqu’à ce que mort s’ensuive. J’éprouvais les plus grandes difficultés à effectuer ce choix. D’ailleurs, je me souviens avoir soudain décidé de tout brûler sur un coup de tête, comme on prend une bonne respiration avant de plonger profondément en apnée. C’était évidemment un mauvais choix. Cette absence de choix était un mauvais choix. Assez vite, je rendis L. responsable du vide affreux que j’éprouvai presque aussitôt de me retrouver nu, sans tous mes précieux écrits. Car évidemment, leur disparition subite avait soudain créé une grande valeur. Je me mis alors à amasser les aventures. Voyager devenait une manière d’accumuler des expériences, de compenser la perte de mes écrits. Pourtant, malgré toutes ces nouvelles expériences, une part de moi restait insatisfaite, toujours en quête de quelque chose d’introuvable. Aujourd’hui, je me retrouve encore aux prises avec cette tourmente. Les mots, les idées noires, l’accumulation sans fin. Peut-être que cette lutte est devenue une part de moi, une ombre persistante malgré la lumière que L. avait apportée dans ma vie. Cherchant désespérément à donner un sens à ce qui, souvent, semble n’en avoir aucun, je continue à amasser des feuilles volantes, des souvenirs, des fragments d’existence. Peut-être qu’un jour, je trouverai enfin l’équilibre entre la nécessité de capturer mes pensées et celle de trier, de choisir ce qui mérite d’être conservé. Pour l’instant, je vis avec cette ambiguïté, prisonnier de ce chaos. Ce que je sais, c’est que la quête de sens est une entreprise perpétuelle, sans garantie de réussite, mais inévitable pour ceux qui, comme moi, ne peuvent échapper à cette marée noire de mots et de pensées. Photo d’illustration : image d’un atelier papier mâché réalisé dans une école primaire en 2021|couper{180}