Réecriture

Le vieux ne se taisait jamais. Grain de sel à chaque phrase. La télé hurlait, volume à fond. Aux infos : “je le savais”, “pas étonnant”. Puis ses histoires, toujours héros, toujours lui.

J’ai pris la parole pour le contrer. Mensonges, fables, à d’autres, à moi.

Mars. Morgue de Créteil. Corps rapetissé. Sourire goguenard. Le gosse me vole mes souvenirs, m’oblige à grandir trop vite. Un putain de sourire. Et cette voix en “je” qui s’incruste.

Je marche dans cette voix, je cherche la source. Au bout : un sourire d’enfant. Comme s’il disait je vous ai bien eus. La haine se brise. Peut-on frapper un gosse ?

Repas de famille. Télé plus forte encore. On avale sans mâcher. Obésité, sucre, cholestérol. Sortir de table au plus vite.

Printemps. Giboulées. J’ouvre une porte : cri sauvage. Courir dehors, collines, forêt. Inventer d’autres “je” pour recouvrir le sien.

Aujourd’hui la toile. Le couteau. Stries violentes, stries douces. Noir dans du bleu. Caravelle fantôme. Vasco vers l’inconnu.

La terre promise : ne rien savoir. Courir dans la peinture. Hurler envers et contre tout.