réecriture

Il y a toujours quelque chose d’étrange dans ce qu’on réalise. Le mur, le tableau. Le premier s’efface dans son usage, le second reste en face. Il me regarde. Une hypnose.

Peut-on croire que des lignes de couleur sur du papier fassent avancer le monde ? J’en ai douté souvent. Mais réaliser un dessin, une peinture, même dérisoire, me ramène à une réalité. Elle existe, palpable, dans ce qui s’arrache de moi pour être accroché au mur.

L’impression première est presque toujours l’insatisfaction. Comme si une peinture ne pouvait jamais compter autant qu’une journée de travail. Cette gêne m’a longtemps empêché de me dire « artiste ».

Avec le temps j’ai compris qu’il n’y a pas de différence. Mur, champ, formule, peinture : des réalisations. Une fois dehors, elles nous regardent. Chacun s’affaire à leur inventer une utilité, une histoire. Fiction.

Rien ne remplace le choc. Le silence entre la chose réalisée et celui qui l’a faite. C’est là, quand on cesse d’expliquer, que l’intensité surgit. Elle effraie. On empile des mots pour la fuir. Mais elle reste.